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AutreMonde
13 juillet 2006

L'Ombre du vent .

.... de Carlos Ruiz Zafon. Livre de Poche. 8 €.. Titre original : La Sombra del viento. Editorial Planeta. Barcelone. 2001. Il y a sur un petit meuble-bibliothèque, dans mon bureau au sud de Toulouse, villégiature en Volvestre, une photo vieillie, un sous-verre aux bords décorés de motifs d’un autre âge. On y voit un garçonnet et une fillette. Un peu plus grande, jolie frimousse, elle entoure les épaules de son frère d’un bras protecteur. Ils sont conventionnellement souriants. Le gamin a les cheveux drus, en brosse, une bonne bouille, les oreilles un peu décollées. La fillette est aujourd’hui à Lyon, professeur de lettres à la retraite. Et elle a tellement aimé “L’Ombre du vent” que le vieux gamin, mis en demeure, l’a lu ... et se bat les flancs pour en dire deux mots sur son blog. Elle m’a déjà fait le coup avec un roman gothique de E.T.A.Hoffman qui m’a marqué au point que j’en ai oublié jusqu’au titre! Il est quelque part sur les rayonnages à Paris, j’irai voir. Affirmation virulente de départ: Littérature incontournable, à lire avant de mourir et pour savoir pourquoi on a vécu etc.... Madame le professeur de lettres a des à-coups dans le jugement chaque fois que le thème remue en elle les pulsions de romanesque adolescent qu’une réflexion pourtant solide et de vastes lectures n’ont pas tout à fait reussi à éradiquer. C’est une forme d’éternelle jeunesse touchante, mais cela donne des enthousiasmes quelquefois injustifiés. Le plus beau, dans “L’Ombre du vent”, c’est le titre. Pour le reste, certes, on est un bon cran au dessus du roman de gare, mais on n’est pas vraiment dans le chef-d’œuvre littéraire, et s’il est (peut-être) vrai que quand on aime, on ne compte pas, j’ai là, il faut l’avouer, compté: 637 pages! Ça part plutôt dans tous les sens, vaguement teinté de fantastique - et puis finalement non, pas vraiment - un peu thriller, un peu journalistico-politique dans le cadre choisi et visiblement aimé de Barcelone (souvenirs de la guerre d’Espagne), un peu moraliste à travers un personnage haut en couleur et d’ailleurs assez réussi, au nom de torero (Fermin Romero de Torrès) et à la parole pleine de bon sens, et puis surtout, surtout, c’est immergé dans une tentation romantique-romanesque où passent quelques jeunes femmes éperdument belles dont on ne peut que tomber au premier regard éperdument amoureux et sur qui plane l’ombre funeste du destin. Mais je n’ai dit que “tentation”. Car s’il est tenté, Carlos Ruiz Zafon ne cède pas entièrement, il résiste. Il s’ébroue par à-coups et essaie alors, parallèlement à des glissades du côté d’Edgar Poë ou de l’Henry James du Tour d’écrou, un détour par la comédie, voire - brièvement - le réalisme. Tout n’est pas raté dans ces essais, et puis, si la mécanique grince un peu, si l’engin cahote, on finit néanmoins par se laisser intriguer ... par l’intrigue. C’est longuet, sans doute, et vers la page trois cents, je me suis posé la question de l’abandon. Mais j’ai rapidement surmonté le passage à vide (outre qu’on ne trahit pas comme ça les attentes d’une sœur aînée...) et le second souffle est venu. Au fond, la première moitié, c’était la montée du col, il ne me restait plus qu’à me laisser filer dans la descente, bercé par les multiples rebondissements de ce qui devient de plus en plus nettement un mélodrame, en même temps que se dessinent quelques péripéties picaresques où brille Fermin au nom de torero. C’est bien joli tout ça, mais l’intrigante intrigue, alors, on n’en dit rien? Ceci, peut-être: c’est l’histoire d’un petit garçon qui va devenir un homme par la découverte d’un livre et l’aventure d’une adolescence où ses amours, ses drames, ses joies et ses initiations vont s’installer dans la plus complète intrication avec les initiations, les joies, les drames et les amours sans lesquels ce livre n’aurait pas vu le jour. Allez, c’est l’été, c’est d’une lecture compatible avec la chaise longue ou la plage, au milieu des bruits d’enfants, ça peut vous faire la semaine à Amélie-les-Bains ou à Saint-Jean-de-Luz, ça peut vous replonger dans des rêveries adolescentes et, de temps en temps, vous faire sourire... Et puis ça vaut de toute façon mieux qu’un feuilleton télé, en allumant sur la terrasse, en y tirant le fauteuil, et en lisant quelques pages supplémentaires entouré des bruits de la nuit qui tombe, quand on se demande quel est l’animal qui pousse ce drôle de cri là, dans les taillis où le hérisson se faufile .... C’est un livre pour l’été, c’est un livre “Pourquoi-pas?”, c’est un livre pour qui connaît quelqu’un qui l’a déjà lu, le thème du prochain débat étant ainsi tout trouvé, après épuisement des plaisirs de la rivalité Ségo-Sarko (T’es pour qui, toi?) et de la condamnation-justification du coup de tête de Zidane (Et toi, tu l’as vu sur Canal Plus? Alors ...?). On va pouvoir lancer: Tu sais, j’ai lu “L’Ombre du vent”, que tu m’avais conseillé. Bon, ça va, c’est pas totalement nul, j’ai eu quelques bons moments et puis je voulais aller jusqu’au bout, pour toi. Mais franchement, y’a des jours, t’es un peu à côté de tes pompes. Écoute ... etc.
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