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AutreMonde
15 juin 2006

L’alexandrin qui tue ....

Dans les bois éternels - Éditions Viviane Hamy - 18 €

C’est le dernier Fred Vargas. Le Monde des livres du 26 / 5 m’en avait dit le plus grand bien: “Les fans du commissaire Adamsberg ne seront pas déçus. Dans les bois éternels est une réussite”. Gérard Meudal, qui signe la recension, s’enthousiasme sous son chapeau: “Le policier et l’alexandrin”. Il a presque raison.

Tout est bien, et pourtant ...

Tout est bien ... parce que de titre en titre, les résurgences de Fred Vargas et de ses créatures font chaud au cœur, parce qu’il y a ici de réels morceaux d’anthologie (petites conversations dans un bistrot normand), parce que s’installent des figures secondaires qui deviennent essentielles par l’affect dont elles se chargent, parce qu’émergent des trouvailles (le chat La boule, ici), qu’on s’interroge, qu’on est sur le point d’y croire et qu’alors on adore ....

Et pourtant ... à y réfléchir deux fois, la psychologie reste un peu de bazar, les personnages sont improbables, mythifiés systématiquement, la tentation de l’épopée n’est pas loin, avec son charme et puis, soudain, ses limites, quand l’individu perd de son épaisseur à n’être - par ailleurs souvent formidablement réussi - qu’un comportement, puis un stéréotype. Enfin, à tant sophistiquer l’intrigue, on se condamne malgré tout à des dénouements réducteurs.

Fred Vargas déborde de talent. Peut-être, au fond, faudrait-il, sans l’en informer, que l’éditeur supprime systématiquement son dernier chapitre. Dans l’incertitude du non-dénouement, nous profiterions mieux - je m’interroge - des épisodes du chemin qui font sa force. Au fond, lire Vargas, ça s’apparente à suivre un chemin amoureux : Post coïtum lectionem animal triste.

Mais j’allais oublier! Elle se fend (et Gérard Meudal, ci-dessus cité, en est tout esbaubi) d’un versificateur inattendu et compulsif et ... de quelques poignées d’alexandrins. Approximatifs, parfois. Et c’est un défi à relever, ce me semble!

Allons, je me remets au travail, je recommence la chronique :

Vargas a décidé de nous le faire en rime.
Au Monde on s’en étonne et on lui crie: Bravo!
C’est un gars, un natif de la vallée d’Ossau,
Un béarnais bon teint, qu’à ses vers elle arrime.

Il se nomme Veyrenc de Bilhc, c’est un cépage
Et pourtant ce qu’il a tété dès son jeune âge,
Est le vers racinien, l’alexandrin serti,
Qu’on lui servait tout chaud, avecque le confit.

Une histoire lointaine où l’incendie se mêle
Et où, fatalement, la tragédie prend feu,
Est cause que tantine ensuite, en ritournelle
Et en récitations vaccine le neveu.

Voilà pour le décor. La suite est policière
Et Veyrenc un morceau de l’intrigue, un petit,
Car tout est compliqué, Vargas nous désespère
En fausses pistes, en faux semblants, c’est sans répit.

On retrouve Adamsberg, qui raisonne en nuages,
Et Danglard qui sait tout et picole en secret,
Camille, qui aima le premier davantage
Et qui picorera Veyrenc, d’un cœur distrait.

On aime Retancourt, son énergie immense
Et son corps protecteur, Violette prénommée,
Estalère, naïf, sa gentillesse intense
Et toute la brigade. On ne peut tout nommer.

L’histoire est compliquée. Je l’ai dit. Je répète.
On a des faux départs, des intrigues croisées,
Pour comprendre, il faudra se prendre un peu la tête,
Entre des bouquetins et des cheveux rasés.

Mais ça roule. Vargas a du métier, elle aime
À nous remémorer ses enquêtes passées,
Et l’on voit resurgir les personnages mêmes
Au fil de ses bouquins précédents, amassés.

Elle installe un climat. On est de la famille
Et ce sont nos copains qui se débattent, là
Dans des complications qu’à coup de camomille
On calme avant d’aller dormir! Ce tralala
Vous tiendrait éveillé trois jours sans marquer pause
Et sans souffler du tout, on veut savoir la fin,
On craint de la voir noire et on la voudrait rose,
Et puis .... On reste un peu, quand même, sur sa faim.

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Commentaires
S
Merci à vous!<br /> Amicalement.
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C
Merci d'écrire enfin des alexandrins à l amétrique correcte. C'est si rare aujourd'hui!<br /> <br /> Et, au delà de tout le reste, ce n'est certes pas le cas de Fred Vargas (pourquoi en écrit-elle, si elle ne les "entend" pas?)<br /> <br /> Amicalement à vous,<br /> Une puriste, et qui sait faire des alexandrins, et autres mètres. Même avec ses élèves. ;-)
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S
Ok pour le message et merci pour l'indication (Les ronces).<br /> Je lis ça et on en reparle.
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G
Merci pour votre site,je partage aussi vos réserves concernant Fred Vargas trop maline à mon avis pour rendre son intrigue palpitante: le lecteur n'a plus sa place. Par contre je peux vous proposer Le livre, "les ronces" d'Antoine Piazza qui a quelquechose de Jourde que je place au plus haut de mes dernières lectures. Un instit’ un peu détaché dans un village, c’est l’ écrivain, il parle des autres. Dérange : bien écrit, trop écrit ? L’écriture qui met à distance, qui amplifie, qui refroidit et puis qui bouleverse, qui fait connaître, qui rompt les barrières du temps. Fort.<br /> Je vous joins quelques humeurs envoyées au courrier des lecteurs du Monde après une page concernant la philo:<br /> « La philosophie, objet de railleries en terminale, serait remise en cause, mais apparaît comme la panacée… en maternelle. Il est vrai-toujours les paradoxes- que l’on n’a jamais tant parlé d’arts depuis que ceux- ci sont rendus à la peau du chagrin à d’autres étages de la formation . Par ailleurs l’approche de la littérature s’éloigne pour les adolescents depuis que Daniel Pennac(au mieux) est devenu l’incontournable de la littérature-jeunesse. Il peut être gratifiant de mettre sous cadre quelques balbutiements, quelques traits : c’est charmant, premier art. La parole donnée aux élèves : c’est bien ainsi qu’ils construisent efficacement une langue, mais pourquoi la maîtresse doit être silencieuse ? <br /> Alors sujet à réflexion pour ceux qui sont sensés connaître pourtant ces vraies- fausses nouveautés : « de qui est la vérité pour un enfant de cinq ans ? Quelle est sa liberté ? » « Lorsque l’école se tait, qui cause ? » « Le ridicule égratigne-t-il encore? » <br /> Si les enfants avaient plus le temps d’être des enfants, peut être que des jeunes seraient moins revenus de tout avant d’être partis ? « La maturité : c’est pas au programme, madame Dimate »<br /> Les enfants ne sont pas dupes, mais quand va-t-on cesser de se mentir ? Miroir grotesque d’un « toutfoutlecamp » le « toutvatrèsbien » précède l’incendie froid et silencieux - le pire. »
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