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AutreMonde
26 mai 2006

Pour panser l'école, d'abord, la penser ...

Projet de Décret relatif au socle commun de connaissances et de compétences.
(Publié sur le site du Ministère de l’Éducation Nationale: www.education.gouv.fr)

L’affaire et son contenu datent déjà du 10 mai dernier. Petit discours introductif du ministre, parlant d’acte refondateur : “... Pour la première fois depuis les lois scolaires de Jules Ferry en 1882, la République va indiquer clairement le contenu impératif de la scolarité obligatoire”. On en apprend tous les jours! Sur le fond, de Robien enfile les platitudes comme d’autres les perles. Il faut bien s’occuper....

Il a droit aux circonstances atténuantes et la question éducative est “indémerdable” ?
Il n’a droit à aucune circonstance atténuante : c’est à lui d’élaguer, de saisir le problème dans son essentiel et d’y aller! Il ne sert à rien de réciter la leçon convenue sur la nécessaire maîtrise de la langue française, l’indispensable connaissance des principaux éléments des mathématiques et autres notions scientifiques de base, le besoin certain d’une culture humaniste, l’utilité de la pratique d’une langue étrangère, l’impossibilité d’ignorer les techniques usuelles de l’information et de la communication, le tout à enchâsser dans des compétences sociales et civiques minimales et à rendre opérationnel par une véritable autonomie de l’enfant, nanti d’esprit d’initiative. De cela, tout le monde est d’accord. Mais ...

L’erreur fondamentale - et il en est certainement conscient - du ministre en son ministère, est de croire (plus probablement de faire semblant ...) que l’énonciation vaut également mise en œuvre. Il ne se passera rien. La difficulté n’est pas dans la définition de ce qu’il serait bon d’enseigner et de transmettre, mais dans la définition des voies et moyens pour y parvenir. La pédagogie traditionnelle, essentiellement magistrale et à destination de publics (faussement) réputés attentifs et homogènes, reconduite dans des structures qui restent héritées du lycée napoléonien, ne peut être une base efficace de réponse. Les possibilités d’adaptation qu’on lui cherche sont toutes marginales et relèvent essentiellement du gadget. De Robien le sait et dans son discours de présentation, il ne se donne même pas la peine de faire référence à la moindre modulation “novatrice” des démarches de transmission. Elles ont, toutes, échoué à modifier quoi que ce soit de significatif. Il faut toucher aux structures de l’école, au recrutement et au fonctionnement de sa hiérarchie, aux services de ses enseignants, à l’état d’esprit dans lequel ils exercent des missions qu’ils doivent largement co-construire, si on veut se saisir vraiment du problème posé par la réussite d’une formation de base solide, ouverte et socialement prometteuse pour tous. Aucun politique, en eût-il conscience, n’ose plus l’envisager, après les tâtonnements éléphantesques et trop approximativement ciblés de Claude Allègre. Alors, on égrène des truismes et on attend les élections suivantes pour passer la patate chaude ...

La petite mais réelle proportion d’enfants accrocheurs, volontaires, décidés, “naturellement” programmés pour les études, qu’on peut trouver dans tous les milieux (mais qui bénéficie inégalement de conditions locales favorables), traverse malgré tout le système en voie d’effondrement, sautant par dessus les fissures et slalomant entre les chutes de pierres, pour dégager une élite à peu près maintenue, qui ne doit rien qu’à elle-même ... et entretient l’illusion d’une efficacité minimale du système. C’est faux. Le système est devenu inadapté en ses démarches obsolètes, l’école doit se reconstruire en termes de formation des maîtres, de services d’enseignement, d’autonomie des établissements, de fonctionnement collectif des équipes, de gestion des missions, de réseaux d’encadrement-accompagnement-guidage-soutien des initiatives pédagogiques locales, bien en amont des affirmations - exactes autant qu’inutiles en l’état - relatives à la nécessité de faire mieux passer des contenus itérativement réénoncés et sur lesquels, en gros, tout le monde est d’accord. Encore que ...

Car, outre l’occultation de l’essentiel, qui vient d’être rappelé, le projet de décret produit tombe dans une deuxième ornière. Le déroulé du texte ne parvient pas à se dégager des habitudes maison : proposer des programmes. Or le socle commun ne peut pas, ne doit pas être inscrit dans ce cadre. Le socle commun ne s’enseigne pas. Il s’acquiert. Et il appartient aux seules équipes pédagogiques de dégager le contexte et les formes de cette acquisition. Et il est plus que probable que, si des connaissances précises dans des domaines définis peuvent relever d’un dialogue professeur-élèves presque classique, sous réserve d’effectifs réduits et de niveau homogène, le socle commun, dont l’ambition principale doit être l’accès à des valeurs et des schémas comportementaux qui rendent possibles l’insertion et l’épanouissement social, ne s’installera valablement que dans des activités conviviales et transdisciplinaires guidées, dans l’hétérogénéité résolue que n’a pas su affronter le collège unique, qui en est mort. Le rôle que peut jouer l’EPS (Éducation Physique et Sportive) est à ce niveau regrettablement ignoré par le document.

Il faut imaginer un parcours de formation dichotomisé. Pour moitié, dans les jeux de rôles, les prises de parole, l’apprentissage collectif de groupes mélangés et encadrés s’enrichissant, par le dialogue, des préoccupations, des modes d’expression, des vitalités et des curiosités de chacun, s’attacher à la construction d’une communauté “de socle commun”. Pour moitié, dans un cheminement individuel, plus austère, classique, prévoir l’accès, à vitesse et sur choix propres, à des validations d’unités de valeur maillant, tissant, un profil de compétences et de connaissances efficaces, terreau personnel du post-formation initiale à venir. Deux moitiés, dans une mise en œuvre qui reste entièrement à inventer et dont le projet de décret analysé (qui d’ailleurs les ignore et raconte autre chose) veut laisser - malhonnêtement - penser que, comme l’intendance du Général, elle suivra. L’échec est donc, dans tous les cas, programmé.

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