Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
14 avril 2006

Petite réflexion ou Petites réflexions ? Chapitre II ...

La suite du I, donc ......

J’ai dit l’autre jour qu’on avait vu (et apprécié) le tout récemment Oscarisé Truman Capote, et qu’il me restait à revenir au roman dudit Capote: De sang-froid. Il est accessible en Folio, avec en couverture une belle photographie de l’adaptation cinématographique de Richard Brooks (1967). Acheté et ... lu. Coïncidence (pas vraiment sans doute), la télévision a rediffusé récemment cette adaptation. Enregistrée et ... regardée. Je devrais être au point sur le sujet, là, non?

Moins riche que le roman, l’adaptation colle à sa démarche, fidèlement, avec une accentuation du regard sur les difficultés environnementales, dans son enfance, du meurtrier de fait (l’autre ne tue pas “directement”) qui vaut sans doute appel à circonstances atténuantes. Très intéressant. Mais contrairement au film d’aujourd’hui, qui est centré sur le personnage de l’auteur, rien ici qui marque l’investissement de Capote dans le suivi de l’affaire, sinon un personnage très estompé de journaliste, dont on devine dans le dernier quart d’heure qu’il a pu jouer un rôle (le roman lui n’y fait pas d’allusion, totalement factuel et extérieur au narrateur).
Étonnant d’ailleurs, le roman. Très long, voire avec des longueurs, il ne cherche pas à resserrer son propos sur l’intrigue principale, se présentant plutôt comme un travail journalistique approfondi sur l’Amérique des petites bourgades, ses étroitesses, le rôle immense qu’y jouent les voisinages et les religions (la religion en ses différentes églises). La vie s’y déroule devant nous pas à pas, dans le détail de la journée qui précède le drame, en récits parallèles et néanmoins convergents (les meurtriers qui ne le sont pas encore, les victimes à venir qui ne le savent pas) et des deux ou trois jours qui suivent, qui deviennent une dizaine ou un peu plus avant l’arrestation des deux assassins en cavale. Passionnant et soudain, ici ou là, presque lassant de détails. Des descriptions annexes se déploient, des histoires, courtes mais minutieusement mises en place, avec accumulation de noms propres, qui traversent sans conséquence réelle le récit comme on croise des inconnus dans les couloirs d’une grande entreprise, des inconnus qui le resteront, avec et malgré leur badge nominatif, avec pour chacun une histoire particulière, qu’on nous dit, peut-être, ou pas. On est intéressé et ... on reste totalement à l’extérieur.

Une formidable enquête au fond, plus qu’un roman, mais quand même un roman. Curieuse impression. Littérature? Pas vraiment. Journalisme, avec talent d’écrivain libéré des contraintes du “voilà le maximum de signes accepté, espaces compris”.
Il faut sans doute retourner lire d’autres Capote. Celui-ci est un monde un peu trop particulier à lui tout seul. Résume-t-il l’écrivain ou n’en est-il qu’un aspect, qu’un investissement obsessionnel mais ponctuel, qui s’est médiatiquement boursouflé et l’a finalement étouffé ?

Quoi qu’il en soit, j’ai eu le sentiment de trouver là une méthode d’exposé que certains auteurs de polars américains utilisent, ou réutilisent, avec ou sans succès. On m’a offert à Noël un roman de Michael Connelly (Los Angeles River ) qui s’est révélé à la lecture assez raté.... mais qui m’a néanmoins été une bonne occasion de retour sur autre chose, et par là de réflexion. Connelly, dans ce roman, s’articule entre autres sur des personnages que j’avais rencontrés dans un film d’Eastwood tiré d’un de ses précédents bouquins (que je n’avais pas lu): Créance de sang . L’articulation est amusante, avec mise en abyme: on parle dans L.A. River du film Créance de sang et d’Eastwood, installant ainsi le roman dans la réalité et basculant le film dans la fiction de cette réalité elle-même fiction, un personnage de la réalité-fiction se plaignant du sort qu’on lui a fait dans la fiction filmée... Très réjouissant. Mais c’est quasiment le seul point positif à l’actif de L.A. River. Par contre, du coup, j’ai revu le film et je suis allé lire le roman référencé (Créance de sang , donc. On trouve ça au Seuil coll. Points), qui est tout à fait excellent. Conseillé. Le travail d’Eastwood, que la critique du Monde disait en son temps “paresseux”, n’est pas du tout mauvais, mais le bouquin est plus dense, développé et passionnant. Et au bout du compte, à raison ou à tort, il me semble procéder par moments d’une technique d’accumulation factuelle dans les descriptions où j’ai vu une certaine filiation avec la démarche de présentation des faits dans le De sang-froid de Truman Capote. Voilà ce que je voulais dire, et ma boucle est bouclée.

Ah, encore deux mots de cinéma, tant qu’on y est. Pour deux films .

Romanzo Criminale : ce film de Michele Placido a eu droit à une forte couverture médiatique mais il en vaut la peine. Excellent. Dans son supplément Le Monde 2 , le journal avait proposé en préalable une compilation bien venue d’articles sur les années de plomb (l’Italie de années 70, les Brigades Rouges, l’assassinat d’Aldo Moro) tout en prévenant du caractère assez artificiel et contestable du recadrage dans ce contexte du scénario. Et effectivement, ce sont les personnages et leur psychologie de petits truands ambitieux et finalement vains qui prime. L’intrigue est passionnante de bout en bout. Et la morale est évidente : la bêtise triomphe chez ces jeunes caïds obtus, la bêtise bête, celle qui emplit de vide une non-pensée que rien ne vient construire de l’ordre de la culture. Il suffit de voir les instants de “loisir” qu’on nous montre. Certes, le cadre est beau, les villas achetées par l’argent de la drogue sont magnifiques, mais qu’y fait-on? Rien. Rien qu’attendre d’y être abattu, entouré de gardes du corps qui s’avèreront inutiles et de bimbos à l’œil vide et au soutien gorge plein, en sirotant des alcools haut de gamme. Une bluette court en filigrane, on s’y attache bien sûr, mais quelle épaisseur de vie vraie? On meurt à trente ans de n’avoir jamais appris à penser, donc à vivre.
Mais ça, c’est ta philosophie à deux balles - dirait ma fille ... Car comme spectateur, c’est autre chose, et c’est formidable. Et je me suis régalé. Donc ... Tous les acteurs sont bons. Il y a Anna Mouglalis, sacrée silhouette, et un jeune type avec une gueule magnifique, jamais vue jusque là, Kim Rossi Stuart, très convaincant. Savoir quand même que quand on tue, ça peut saigner pas mal. Ceci pour les âmes sensibles. J’ai vu la chose un dimanche matin. Franchement, c’est plus couillu qu’une messe.

Fauteuils d’Orchestre : le divertissement est vraiment d’excellente qualité et on s’amuse beaucoup. Avec, je suppose, car il y a moult numéros d’acteurs, chacun sa subjectivité, ici empathique, là urtiquée. Quoi qu’il en soit du respect officiellement dû au grand âge et plus encore quand l’affaire a tourné court (elle est morte peu après la fin du tournage), Suzanne Flon, dans un emploi secondaire de grand-mère ressasseuse, m’a trouvé peu compatissant et très agacé. Christopher Thomson, fils de Danièle, qui signe le film, m’indispose avec ses airs de grand con mal rasé-réveillé, tandis que son père de fiction, ici Claude Brasseur, m’a paru en faire beaucoup. Il faut dire que dans un personnage qui veut brûler ses dernières années (mois? semaines?) avec une jeunesse de l’âge de son fils, il m’a fait penser au Romain Gary de l’Au delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable , n’en eût-il ni les défaillances sexuelles (il est “très en forme” dit sa belle) , ni l’insupportable machisme épanché en larmoyantes protestations amoureuses comme en pitoyables fantasmes de substitution. Mais laissons ce Gary là reposer en paix.
Pour le reste et pour le meilleur, il y a la lumineuse fraîcheur de Cécile de France (pourquoi diable va-t-elle s’amouracher de ce grand couillon de Christopher? Mystère), il y a la merveilleuse beauté de Laura Morante, qui résume tout ce qu’on attend d’un regard féminin, il y a le formidable talent comique de Valérie Lemercier, star télévisuelle épuisée de frustrations cinématographiques plus vraie que nature, et puis il y a, authentique cerise sur ce bon gros gâteau, inoubliable autant qu’inattendu en pianiste virtuose harassé de conformisme et hanté de pureté vraie, Albert Dupontel. Grâces lui soient rendues tant il incarne avec force un homme complètement humain dans la tension de son amour de la musique et de sa femme. Inoubliable je vous dis. Apparition sympathique et second degré de Sydney Pollack en metteur en scène aussi mythique qu’américain. Le scénario est très bien ficelé. Le plaisir est garanti (avec, pour moi, les agacements indiqués).
Quant à Dupontel, je fonce le voir dans Enfermés dehors. Ce type a du génie. Il est, dans ses emportements, ses forces, ses faiblesses et ses échecs ce que nous voudrions être, en mieux. Et puis il joue, si, si, ici il joue, concentré, même si c’est François-René Duchable qui “fait” le son, le final du Concerto de l’Empereur et le troisième mouvement de la sonate La Tempête, comme a dû, j’en suis sûr, les jouer Beethoven... les cheveux en moins.

Publicité
Publicité
Commentaires
2
Pouvez vous me faire un petit résumé sur cette histoire?
Répondre
S
Le "Gothique" entre en littérature avec le roman d'Horace Walpole, publié en 1767 : "Le Château d'Otrante (A Gothic Story)".<br /> Les sites d'information (cf. Google) ne manquent pas.<br /> Très schématiquement, le Gothique, c'est en littérature, le retour des morts-vivants, dans des cadres adéquats, sombres et sulfureux, peuplés d'ombres et remplis de vapeurs méphitiques. L'érotisme y est de préférence scabreux, sadique et mortifère, tandis qu'on nage dans l'occultisme.<br /> Sans aller à l'excès, "La morte amoureuse" de Théophile Gautier , "Aurélia", de Gérard de Nerval, sont gothiques .
Répondre
A
Je vous remercie pour toutes ces précisions .<br /> Pourriez-vous avoir l'amabilité de m'expliquer le terme "gothique" appliqué à la critique littéraire .Un roman noir ?Un roman fantastique ?Effrayant?<br /> Je ne lirai peut-être pas le dernier livre commenté mais La critique en est exceptionnelle
Répondre
S
Je vous fais volontiers crédit pour la pièce de Liszt (Consolation No 3 - Lento placido) exécutée lors de la séquence musicale à l'Hôpital. Ce qui nous laisse d'accord avec la Tempête (séquence Chambre d'Hôtel) et le Concerto No 5 (séquence Concert). On a dû faire le tour, là .Quant à Suzanne Flon ... Requiescat in pace.
Répondre
O
Je me suis peu et mal expliquée ,je le regrette .Excusez-moi.Pour la musique du film :"Fauteuils d'orchestre"il me semble qu'il s'agit de "Consolation n3"de Liszt et bien sûr de "La Tempête"de Beethoven .Qu'en pensez-vous ?Par ailleurs j'apprécie beaucoup vos critiques de film même si je ne partage pas toujours votre avis (pour S.Flon par exemple)
Répondre
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité