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AutreMonde
22 mars 2006

En revenant de la Revue ...

La Jaune et la Rouge , revue des Anciens élèves de l’École Polytechnique, consacre son numéro de Mars aux problèmes de l’École, l’autre, la nationale, républicaine, laïque et pourtant crucifiée par ses difficultés, sinon ses responsables.

Le dossier est coordonné par Philippe Claus, ci-devant Inspecteur Général de l’Éducation nationale (Groupe enseignement primaire) et rassemble des contributions au premier rang desquelles on relève celle de Luc Ferry, revenu à ses fonctions de penseur après son passage malheureux rue de Grenelle, qui se signale ici par des développements très contestables sur la notion de Socle Commun et par une sortie réjouissante contre l’opération La main à la pâte (initiée par quelques scientifiques français plus ou moins nobélisés) qui, prétendant instruire par l’éprouvette, m’a depuis le début paru relever de l’attrape-couillons.

Sur le Socle Commun, Luc Ferry affirme “... (qu’) il revient à transformer le savoir en culture”, et part en guerre contre ceux qui mettent trop l’accent sur l’apprentissage de la citoyenneté (“le but de l’école n’est pas de délivrer une formation morale et politique”), précisant : “La citoyenneté n’est qu’un élément parmi sept ou huit autres - la science, la philosophie, la biologie, les mathématiques, la littérature, ...- qui définissent la culture des adultes”. Étonnant.

Je me demande plutôt si la citoyenneté n’est pas le point de convergence de l’ensemble des notions ou éléments ou acquis scolaires cités, du domaine des connaissances et des savoirs, en ce qu’ils supposent de formation au raisonnement, à la réflexion et au doute, à l’indispensable doute, ensemble dont la maîtrise met l’enfant en mesure de comprendre le monde dans lequel il vit, en mesure de ne pas en être une victime, en mesure de pouvoir, à sa place, concevoir en quoi il serait améliorable et comment y travailler. Vaste programme, j’en conviens. Mais je vois, donc, Luc Ferry dans l’erreur. Car si “le but de l’école n’est pas de délivrer une formation morale et politique”, ça n’en est pas moins en fait, et quand elle y réussit, son plus noble aboutissement.

Cette histoire de Socle commun est fondamentale et je crains qu’elle ne soit dévoyée. Nous verrons ce qu’énonce le Haut Conseil de l’Évaluation (HCE; ... qui devait, nous avait-on dit, émettre un premier avis en Février (?)). La Jaune et la Rouge passe curieusement sous silence le fait que deux polytechniciens sont des neuf membres dudit HCE: Michel Pébereau, président de BNP Paribas et qui est ou fut du Comité sur l’École du Medef et Antoine Compagnon, professeur d’université, reconverti dans la littérature et la pensée. Il n’y avait que M. Pébereau au départ mais il a fallu pallier l’éviction-démission du bouillant Laurent Lafforgue (j’avais daubé là dessus en Décembre dernier) et on est allé chercher A. Compagnon. J’aurais aimé, quoi qu’il en soit, lire leur avis. Las ...

Par contre, on a le point de vue “parlementaire” (c’est de lui) de Pierre-André Périssol, ancien ministre, député (UMP)-maire de Moulins et que je découvre polytechnicien. Il a piloté une mission d’information de l’Assemblée Nationale qui a déposé en Avril 2005 un rapport sur “La définition des savoirs enseignés à l’école”... Bref, il a, en pilotant d’autres, réfléchi sur le Socle Commun. Travail sérieux d’ailleurs. Onze députés (6 UMP - 1 UDF - 3 Socialistes - 1 CR (Centriste-Radical ?)) qui ont auditionné 78 personnalités. De la réflexion générale de bon sens et de qualité mais ... aucune esquisse méthodologique des voies et moyens. Et c’est l’éternel problème: Voilà vers où aller, mais on ne sait pas comment !

En fait, à peu près tous les intervenants du dossier sont d’accord au niveau des difficultés et des principes. Le problème éminemment politique, c’est qu’on ne peut pas en rester là et que pourtant, par exemple, un des points-clés (d’ailleurs soigneusement occulté-neutralisé) étant que rien ne bougera sans une redéfinition des services des enseignants en forme de baril de poudre, on se gargarise de bonnes paroles en se demandant à qui on pourrait bien passer la patate chaude.... Alors, oui, on lit avec intérêt la prose de quelques grands commis de l’Éducation Nationale, et on comprend que personne ne se jettera à l’eau.

C’est l’intervention de Claude Lelièvre, historien, professeur à la Sorbonne, qui m’a tout à coup fait apparaître et penser l’affaire dans une perspective... pseudo-historique, et inspiré la chronique qu’on pourra lire ci-après. Clamat in deserto, of course.......

Problèmes éducatifs : Copernic et Képler ?

Dans l’éditorial du numéro de Mars de la revue La Jaune et la Rouge consacré aux problèmes de l’École, Philippe Claus, Inspecteur Général (Éducation Nationale), coordonnateur du dossier, signe le porte-à-faux constant des réflexions sur le sujet : “(...) ce ne sont pas les questions de structures qui nous ont mobilisés”. De profundis...

Car tout est là. Les structures de l’école sont inadaptées aux missions nouvelles dont elle commence à prendre conscience dans des conditions assez encourageantes de convergence des avis et qui se résument à ceci, énoncé par tous les intervenants : Définir pour tous une solide formation commune (notion de Socle) - Permettre à chacun d’aller au delà, au bout de sa formation personnelle, dans le respect de ses rythmes, de ses aptitudes, de ses goûts.

Claude Lelièvre y voit une “révolution copernicienne”. Va pour Copernic. Mais rappelons les faits.

Le système de Ptolémée (fixé vers 140 ap. J.C.) est géocentrique. Le Soleil, la Lune, les Planètes se déplacent autour de la Terre. Les seuls mouvements “grecs” étant circulaires et uniformes, la complication des mouvements dont il faut rendre compte induit un emboîtement de cercles dont les centres décrivent des cercles etc. ... épicycles, déférents, excentriques .... Usine à gaz, mais résultats assez corrects.

Vient Nicolas Copernic (1473 - 1543). Son traité sur les “orbes célestes” est de 1531 (publié en 1543). Le Soleil et les étoiles sont désormais immobiles. La Terre tourne sur elle-même. La Terre et les Planètes tournent autour du Soleil. Du géocentrisme à l’héliocentrisme: voilà la révolution.

MAIS: ... Copernic conserve le principe pythagoricien des mouvements circulaires uniformes, les épicycles, les excentriques, les déférents de Ptolémée, et il passera sa vie à dresser des tables pour établir l’équipage de cercles propre à chaque planète: voilà l’erreur.

Nous en sommes là. La nécessité d’ouvrir les parcours éducatifs à la double exigence de la construction d’un socle commun et du pilotage diversifié de formations réellement individuelles est acceptée par tous: Révolution. Mais on maintient ces objectifs dans les structures héritées d’une toute autre philosophie éducative: Blocage garanti, et échec.

1609. La planète Mars a désobéi à Copernic et Képler, qui l’a vu, énonce l’abandon des cercles : “ Chaque planète décrit une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers”. Sa modèlisation est achevée en 1618: l’héliocentrisme est opérationnel.

De même l’école: après Copernic, elle attend Képler!... Qui n’est pas dans la Revue !..... Je re-cite Philippe Claus : “(...) ce ne sont pas les questions de structures qui nous ont mobilisés”. Et je répète : De profundis... À moins que ....

Car il y a des pistes, structurelles (et de fonctionnement), possibles:

1- Création d’établissements dédiés à la scolarité obligatoire: fusion de l’élémentaire et du collège. Enseignement sans solution de continuité sur tout le parcours

2- Création d’un corps unique de professeurs pour la scolarité obligatoire (Capes généraliste), responsables de la formation de Socle commun

3- Hors “Socle commun”, reconfiguration de l’ensemble des champs disciplinaires et des acquis scolaires envisageables en unités de valeur validables correspondant à des modules d’enseignement courts (3 à 6 semaines - 20 à 40 heures). UV cumulables

4- Principe de formation “par classe d’âge” pour le Socle commun; groupes hétérogènes en niveau; professeur généraliste-référent

5- Principe de formation “par individu” hors Socle commun: unités de valeur; choix propre; rythme propre; groupes de niveau, homogènes, sans critère d’âge; professeurs spécialistes

6- Prolongement post-scolarité obligatoire (lycées) du “Socle commun” en “Formation générale” par classes d’âge (hétérogènes). Professeur référent: création d’une agrégation “Généraliste” (année supplémentaire d’études après Capes de spécialité)

7- Extension au lycée du principe de formation individuée par unités de valeur cumulables

8- Sauf agrégation “Généraliste” (cf. 6), simplification du corps enseignant par recrutement des spécialistes disciplinaires au seul niveau du Capes (à exigence revisitée)

9- Les spécialistes disciplinaires interviennent dans les unités de valeurs, en scolarité obligatoire et en lycée. Les professeurs référents des classes d’âge, en scolarité obligatoire et en lycée, assurent le suivi des parcours individuels par unités de valeur, en coordination-cohérence avec les enseignants de ces unités.

10- La scolarité obligatoire (resp. le parcours-lycée) se termine par un examen unique de validation du Socle commun (resp. de la Formation générale) identique pour tous. Cet examen (national) inclut (voire consiste en) un entretien devant jury au cours duquel le candidat présente sa scolarité, son profil de réussite (UV cumulées-validées), son projet
Remarque : Les prolongements de scolarité comme les entrées dans la vie active se déterminent sur profils individuels acquis via les UV cumulées, les organismes d’accueil définissant leurs exigences à ce niveau

11- Unification du cadre de fonctionnement. Les établissements scolaires sont des EPLE (Établissements Publics Locaux d’Enseignement) de deux types: Scolarité obligatoire - Lycées. Un lycée peut, par son offre d’UV, avoir des dominantes, mais il n’y a qu’un type de lycée. Fin du distinguo LEP, LT, LEG...

12- Le chef d’établissement est élu au sein du corps enseignant par ses pairs (comme tête de liste de l’équipe d’animation-direction qu’il a constituée), sur un programme-projet d’établissement à trois ans. Mandat reconductible par réélection . Il est secondé par un adjoint, recruté sur concours et nommé par le ministère pour continuité administrative du fonctionnement. L’encadrement CPE (Conseillers principaux d’éducation) pilotant des équipes d’aides-éducateurs est inchangé

13- Reconditionnement des établissements pour permettre aux enseignants d’exercer pleinement leurs missions dans le cadre d’une redéfinition de leur service qui implique désormais leur présence à temps plein sur place. Nécessité de bureaux et d’équipement bureautique. Les traitements sont significativement réévalués mais “forfaitaires”, exclusifs du paiement d’heures supplémentaires, d’heures de suppléance etc., toutes notions qui disparaissent. Répartition locale des charges entre les membres de l’équipe éducative, selon les besoins et les urgences.

14- Autonomie complète des établissements dans le cadre de l’application du projet-programme “de campagne” du chef d’établissement élu: définition des services, répartition des responsabilités, gestion des moyens affectés, mise en place des programmes, objectifs pédagogiques. La compatibilité des projets-programmes avec les objectifs nationaux de formation (contenus du Socle commun, de la Formation générale, du pannel des UV offertes) est contrôlée en amont dans un esprit d’ouverture et d’encouragement à l’initiative sous la responsabilité des Recteurs et des D.S.D.E. (Directeurs des services départementaux de l’éducation) . Évaluation a posteriori, en fin de mandat électif. L’enveloppe minimum des moyens affectés est définie par le nombre d’élèves de l’établissement . Les équipes de direction élues peuvent, fortes de leur projet, négocier des moyens complémentaires auprès des collectivités locales et sont autorisées - sous réserve d’un contrôle de conformité avec la déontologie du service public (Recteurs et DSDE) - à dégager des ressources propres

15- Réorganisation-Refonte des structures d’encadrement (recrutement, formation): Corps d’Inspection (redéfinition des missions), D.S.D.E., Recteurs. Réseaux de formateurs, hors hiérarchie, pilotés par les corps d’Inspection, pour circulation inter-établissements de l’information pédagogique et formation continue, au plus près du terrain, des personnels. Réexamen des formations IUFM en fonction des perspectives dessinées

16- Agrégations disciplinaires (concours externe) maintenues uniquement pour l’enseignement de type premier cycle universitaire et classes préparatoires. Agrégation interne maintenue pour accès aux fonctions d’Inspection ou de D.S.D.E.

Seize points, donc. Képler? Non. Et l’époque n’est plus aux modélisations octroyées. Simple base de travail pour remise à plat du système éducatif et reconstruction en adéquation avec les problèmes pendants. Évidemment, ça n’est pas très “fun” comme discours, mais c’est indispensable et cela manque aux analyses lues, pertinentes dans le constat, judicieuses dans le projet “Socle Commun - Parcours diversifiés”, et puis muettes sur les vraies conditions d’application.

Le numéro de Mars de La Jaune et la Rouge ? Soit, mais ensuite ? Le maçon, au pied du mur, doit se décider à commencer... non?

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