Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
15 mars 2006

Mélanges (I)

Un peu de ménage dans la pile des numéros du Monde du début du mois et voilà des articles qui resurgissent .......

Un passionnant entretien (Di.5 / Lu.6 / 3) de Tzvetan Todorov sur la modernité de “l’Esprit des lumières” . Il est l’un des commissaires de l’exposition de la BNF: "Lumières! Un héritage pour demain". C’est toujours un plaisir de voir une intelligence recadrer dans un contexte continu des noms trop souvent gardés dans l’oreille sans comprendre le sens qu’ils prenaient vraiment, tant les programmes scolaires, trop sectorisés disciplinairement, échouent à recréer l’Histoire des idées.
Dans les choix de Todorov, le propos s’articule en faisant dialoguer les Sciences (Benjamin Franklin- 1706 / 1790), la Littérature et la Pensée (Jean-Jacques Rousseau - 1712 / 1778 ; Johann Wolfgang Gœthe - 1749 / 1832 ; Emmanuel Kant - 1724 / 1804), la Musique (Wolgang Amadeus Mozart - 1756 / 1791), la Peinture (Jean Honoré Fragonard - 1732 / 1806 ; Jean Baptiste Siméon Chardin - 1699 / 1779), l’Économie (Adam Smith - 1723 / 1790), le Droit (César Beccaria - 1738 / 1794), l’Histoire (Giambattista Vico - 1668 / 1744).
Et puis il y a la mise ... en lumière (justement) de ce que c’est dans l’échange et la diversité que la pensée progresse, dans cet espace où Voltaire et Rousseau partaient en Angleterre quand Bolingbroke (politique, signataire des accords d’Utrecht (France / Espagne / Angleterre / Hollande) de 1713, mais aussi écrivain-philosophe), Hume (philosophe), Sterne (pasteur à la vie privée orageuse, et écrivain: "Tristam Shandy" , "Voyage sentimental" ) venaient en France, quand c’est en se frottant aux recherches de Priestley qui découvrait l’azote et la respiration des végétaux que Lavoisier poussait ses travaux, et quand beaucoup aussi se retrouvaient dans la Prusse de Fréderic II... Avec cette remarque que c’est l’Europe la terre des lumières, "parce qu’elle est morcelée et plurielle", et non par exemple l’immense Chine, état trop unifié pour les confrontations d’idées ...

Intéressante aussi la présentation de Stéphane Guégan, commissaire lui de l’exposition "Ingres" du Louvre. Il a publié un “Ingres érotique” sur lequel sans nul doute il ancre son analyse de l’accrochage et sa thèse donne envie d’aller juger sur pièces. Le dessin reproduit, du Musée de Montauban ("Deux salières de front"), va en tout cas explicitement dans le sens de son discours. Expo pour expo, il semble également évident qu’il ne faut pas rater celle du Musée d’Orsay, "Cezanne et Pissarro 1865 - 1885", que présente Le Monde du 3 mars. La confrontation des deux visions reproduites d’un même jardin de Maubuisson, en 1877, est fascinante.

Philippe Muray est mort. “Nécro” de Patrick Kéchichian dans Le Monde du week-end Di.5 / Lu.6. Jamais rien lu, mais j’irai regarder un essai qu’il a écrit sur Céline (controversé, dit Kéchichian). J’apprends qu’il fait partie de ces “détestataires” dans la lignée de Joseph de Maistre (qui haïssait allègrement la révolution de 89, au point de se mettre en 1793 “au service de l’étranger”) et de Léon Bloy, mort en 1917, qui dans ses écrits se montrait, comme dit ma vieille et noble édition du Larousse (1948), “plein d’injures, de mysticisme et de talent”. Or, si je ne partage a priori pas leurs idées, j’ai par principe un penchant pour la détestation et donc les détestataires, d’où, logiquement, une sympathie ... posthume - sous réserve d’y aller voir - pour Philippe Muray.
Même sujet : Je traînais sur France-Culture au moment où Alain Finkielkraut y a été sollicité, à l’occasion d’un bulletin d’actualités, pour dire deux mots du néo-défunt. “Je ne le connaissais pas mais je l’ai beaucoup lu”, suivi de quelques mots élogieux sur les effets intellectuellement roboratifs desdites lectures et puis ... comme un cheveu sur la soupe (?), non, plutôt pour stigmatiser un de ces aspects du bruit social actuel propres à réveiller l’irritation du mort célébré, l’irritation proprement Finkielkraltienne provoquée par un entrefilet du Parisien du jour, annonçant la prochaine naissance d’une “Pute-Pride”. Où va l’époque? Marrant. Et instructif : Finkielkraut lit Le Parisien.

Il faudra que je revienne sur une correspondance de Montréal , toujours dans ce numéro du Di.5 / Lu.6 : "Le poignard à l’école, mais pas ostensible". Cher Canada, où les égards dûs au multiculturalisme rendent le port du poignard “caché sous les vêtements et dans un fourreau cousu” licite pour les élèves sikhs des établissements scolaires, au titre de symbole religieux constitutif de leur personnalité propre. Il y a de quoi réfléchir sur les dérives qui nous attendent ........ Cela vaut quelques développements....

Reportage affolant sur la Centrafrique ruinée dans le numéro de Mercredi 1 / 3. Comment (sur)vivent ces gens ? Et nos Sorbonnards manifestent contre le CPE ? ... Chacun voit décidément midi à sa porte . Où sont les vrais combats? Dans le même numéro, Claude Hagège (Collège de France) tempête contre l’exclusivité , programmée, de l’anglais dans la rédaction des brevets d’invention; Edouard Brézin, Pierre Joliot, Axel Kahn déplorent du haut de leurs chaires notre manque d’ambition dans le domaine de la Recherche et crient à la fuite des cerveaux...... Et l’influenza aviaire (puisqu’il faut, paraît-il, l’appeler par son nom), portée par le Cygne tuberculé, la Bernache à cou roux et le Canard fuligule milouin, entre autres, croquis coloriés à l’appui, fond sur nous. Bis: Où sont les vrais combats? Je lis: “La majorité des virologues tiennent pour inévitable, à court , moyen ou long terme, une mutation du virus sous une forme “humanisée”, à la fois hautement contagieuse et pathogène. Ce sera alors la pandémie, très meurtrière”. Sacré H5N1. Je me contenterai de noter que Racine l’avait déjà annoncé : “Dans un mois? Dans un an ? Comment souffrirons-nous / Seigneur ? Tous ces oiseaux préparent un mauvais coup! / Que le jour recommence ou que le jour finisse / Par eux, dans vos bras morts, va mourir Bérénice”. Comme disait Desproges en Monsieur Cyclopède : “Étonnant, non?” . Ter: Où sont les vrais combats?.............

Grande photo de Georges Frêche, dans le numéro du lendemain, entouré de micros. Il a le cheveu qui s’est clairsemé depuis les années 80 où je l’ai vu en majesté, de loin, lors d’une réunion technique du Conseil Général du Languedoc-Roussillon, tonitruant comme d’habitude. Je lis mal en re-survolant l’article un intertitre du Monde qui devient “... les femmes violées d’Al-Quaïda”. Je relis : “... les femmes voilées d’Al-Quaïda”. Au fond, tout l’intégrisme islamique est peut-être dans cette permutation de voyelles, et l’obsession du voile dans le détournement d’une fascination pour le viol, aussi bien celui-ci comme punition de l’absence de celui-là que celui-là pour suspendre l’attraction de celui-ci..... Enfin Frêche, lui, qui a naguère suggéré que les femmes voilées souffraient peut-être tout simplement des oreillons, reste à l’évidence (et le cultive) tel qu’en lui-même sa réputation le présente, savoureux en fait, et truculent: “Sarkozy? Ce Grand Mamamouchi aux talons compensés...” ou “De Villepin? Il nous le met comme Raffarin, mais avec plus d’élégance...”. Etc. Ah! L’élégance du grand Georges, jugeant la politique comme elle va: “On n’a pas de couilles!”. Comme de Gaulle le disait pour lui de Tintin, le seul vrai rival de Frêche, c’est Bigard!

On a le profil de Ségolène, plein champ, dans le même numéro. On dirait un peu César dans Astérix... Le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court ....Nous verrons bien si Blaise Pascal a eu pour la circonstance à venir la prémonition aiguisée... Il y a là en tout cas un tranchant qui tranche avec le physique enrobé de son François. Mais moi, que voulez-vous, Ségolène me plaît. Cela posé, j’ai de la concurrence. J’entends sur France-Inter que Jacques Attali a déclaré sa flamme. Alors? Après Sherpa du prince, conseiller ... Royal?
Titrée “Le dilemme de François Hollande” , j’ai savouré l’analyse de Michel Noblecourt dans Le Monde du 7 / 3 . Prince consort ? Ma foi, quand on a un sens vrai de l’intérêt général et de l’estime pour sa femme (en justifiant la réciproque), ce n’est pas un mauvais poste. J’ai toujours aimé personnellement réfléchir “ensemble”, et si d’aventure j’étais dans sa situation, je me sentirais assez partant pour ce coup là, je crois. Si j’étais .... Se souvenir toujours d’Alexandre le Grand, répondant en le désignant par son nom : “Et moi aussi, si j’étais Parménion” , à l’un de ses généraux qui le pressait d’accepter les offres de Darius III d’un: “J’accepterais, si j’étais Alexandre”. Leçon de sagesse.

En attendant, j’y reviens, quelle franche connerie, cette affaire de CPE ! ... Je ne discute même pas du fond, du principe, mais de la forme. Si ce qu’on nous raconte est vrai, Villepin seul l’aurait décidé. Mais enfin, d’autres ont suivi et l’Assemblée Nationale a voté la chose. Non, ce qui me semble aberrant, c’est cette obstination arc-boutée qui veut maintenir le licenciement sans motif. Car c’est cela qu’on entend. Et alors quelle cohérence avec l’affirmation simultanée d’un grand respect pour le code du travail? Ubu à Matignon? On va aller à la crise gouvernementale pour une lubie suivie d’un blocage caractériel?
Cela dit, je l’ai trouvé en forme, Villepin, sorti fringant de sa cabine d’UV pour aller sous les sunlights de Claire Chazal, pâlichonne par comparaison... et visiblement troublée. C’est qu’il a l’air d’une gravure de mode, le premier ministre, et le capitaine Conan de la dame a de quoi se faire quelque souci! Quant au fond, j’y retourne, on comprend quand même mal pourquoi se retrouver viré sur simple lettre recommandée, sans justification de motif, est la seule voie possible d’incitation à l’embauche. L’alcool, non!, mais l’eau ferrugineuse, oui!, disait Bourvil d’une voie pâteuse dans un sketch célèbre. Sur le même modèle: La flexibilité, oui!, mais le coup de pied au cul, non!.... Détendons-nous! On disait chez moi (et sans doute ailleurs) : Il doit bien y avoir moyen de moyenner ! .

Tout ça a quand même l’air assez mal parti, d’autant que, comme souvent, le maquis des procédures, inextricable sauf pour les spécialistes, peut servir de support à tous les discours et à toutes les manipulations. Dès lors, le CPE n’est plus que le prétexte sur lequel un invraisemblable réseau de peitites ambitions politiques s’appuie, avec relais complaisant, quand ce n’est pas caisse de résonance, des médias en quête de sujets porteurs... L’horizon 2007, entre autres, est en vue ! Et comme il y a un volant de troupes disponibles pour la manœuvre...

Car c’est évidemment Bertrand Alliot qui dit le vrai, dans Le Monde de ce mercredi 15 / 3: “Sous le CPE, la plage”. Doctorant à Marne-le-Vallée, les évidences qu’il énonce sur l’ivresse étudiante ou lycéenne de la “manif” sont au cœur de l’affaire. Manifester est, à ces âges où l’irresponsabilité se rêve mature, une fin en soi. Jean-Luc Mélenchon, au 13 heures de France-Inter hier Mardi 14 / 3 faisait dans la démagogie la plus épaisse en affirmant: “Ces jeunes ne font pas grève pour le plaisir”. Mais bien sûr que si, ces mouvements se font pour le plaisir et même aujourd’hui,” pour le fun”, en complément de cette ivresse formidable du pouvoir qu’immédiatement leur confèrent les bulletins radios et les journaux télévisés de 20 heures. Bertrand Alliot le dit très bien: on sait qu’on fait la fête et on croit qu’on (re)fait l’Histoire. Et tous les mouvements étudiants-lycéens depuis 68 ne se sont nourris que de cette utopie et de ce folklore: inventer l’impossible, emmerder l’autorité et ... sécher les cours! Après quoi - et je pense là à Alain Geismar dont les acteurs de 68 se souviendront - on mange son chapeau, on fait sa carrière et on se retrouve par exemple Inspecteur Général de l’Éducation Nationale. Marrant d’ailleurs d’entendre tout à l’heure un journaliste expliquer qu’aujourd’hui mercredi, “bien sûr”, la rue était plus calme car: “le mercredi, il n’y a pas de cours”. Même approximative, l’information était claire : “On gueule pour de meilleures perspectives de travail et d’emploi, d’accord, mais faudrait quand même pas que ça gâche les jours de relache.... On n’est pas des bêtes!” .

Bah, la poussée d’adrénaline n’exonère pas les adultes en général et les politiques en particulier de leur massive connerie, désignation “englobante” de tant de reproches que l’on renonce à détailler!... Nous ne souffrons pas de lois plus ou moins mal faites ou à refaire, nous dépérissons d’un déficit aigu de vertus civiques, d’un effondrement résolu du sens de l’intérêt général chez les responsables, d’une perte d’adhésion à cette efficacité simple chez les individus: “Aide-toi, le ciel t’aidera”. Tout est bien? Non. Alors qui peut faire le premier pas? Moi, toi... et l’intelligence! Pourquoi c’est clairement et seulement par l’École qu’on pourra remonter la pente . Là est le vrai point d’entrée. Avec une question à la clef: Quelle École?

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité