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AutreMonde
7 mars 2006

Alain Finkielkraut : Leçon n° III.(2)

(...............)

Curiosités et Glissements : Merleau-Ponty a laissé des notes de cours et un ouvrage en chantier. On y trouve les éléments de sa réflexion sur les notions de visible et d’invisible, de chair et de ... chiasme. Chiasme, figure de style... délaissant la philosophie savante, je cherche plus bêtement un simple exemple littéraire, savoir au moins le sens premier du mot et je m’amuse de retomber - car, pour des raisons à suivre, on dirait qu’on y revient toujours - sur Hugo et Booz endormi. D’abord, prendre soin de détailler les deux syllabes, Bo-oz, sinon, foin d’alexandrins.

Donc le chiasme, structure en miroir de type ABBA ou ABCCBA et ici, ce vers : Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu. Bien. C’est dit et noté.
Mais du coup, tant pis pour Merleau-Ponty, je continue ces remarques avec Hugo. Car il y a de tout dans Booz endormi!
C’est là que Luc Ferry, bien en peine de donner corps à sa contribution personnelle au concept de Vie Réussie dont il a fait naguère un livre par ailleurs fort instructif (Qu’est-ce qu’une vie réussie ?) , était venu puiser l’idée possible d’un débouché sur le succès par le grand-âge :
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand / ... / Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens / Mais dans l’œil du vieillard, on voit de la lumière.
En passant: Hugo a commencé la publication de La légende des siècles en 1859, à 57 ans, et je le soupçonne fort de n’avoir pas résisté à l’envie de quelque plaidoyer pro domo.
Bien.
Et revenons à l’anecdote...
Où va-t-on quand on cherche un canular littéraire héroïque ? Mais , dans Booz! Quand il déploie son vers, Hugo rencontre une difficulté, il est là : il vient de réussir , après quelques ratures (paisible ? tranquille?) l’impérissable : “C’était l’heure tranquille où les lions vont boire” ... et maintenant, pour l’équilibre des quatre vers suivants, qu’il a dégrossis, il lui faut une rime phonétiquement “en d”. Il tâtonne, consulte ses documents, il cherche des localités en Palestine qui feraient l’affaire, il veut quelque chose qui indique la suspension de toute inquiétude, quelque chose qui commencerait par "Tout reposait dans Ur" ... et finirait en “d”. Rien. Mais c’est Hugo et donc, admirable démiurge, ce qui n’est pas se crée, et naît alors sous sa plume audacieuse cette improbable localité que les savants contemporains vont un temps rechercher, se demandant bien dans quel recoin du texte biblique le poète avait trouvé l’endroit, qu’il désigne: Jérimadeth (phonétiquement : J’ai-rime-à- d ) : Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth. That's it! Voilà, c’est fait.
Plus haut, Hugo s’était d'ailleurs régalé d’un zeugma double devenu célèbre, figure consistant à atteler à un même verbe des compléments de natures différentes, énonçant : Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques / Vétu de probité candide et de lin blanc .
Passons sur les beaux effets musicaux :
Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèles / Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
Galgala qui pour le coup existe! Aussi dénommé Gilgal ou Guilgal, et aujourd’hui Djedjulieh, c’est une montagne de Palestine et, dans la Bible, le premier sanctuaire des Israélites après leur entrée en Canaan.
Et l’immortel Victor de finir en fournissant aux populations scolaires nécessiteuses, qui donc crieront : Booz! , quand on leur en parlera , une inoubliable et éblouissante (et filée) métaphore :
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été / Avait, en s’en allant, négligemment jeté / Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.

Quand même, et pour mémoire : Booz est un personnage biblique (dans le livre de Ruth) qui apparaît comme bisaïeul de David, le berger à la fronde, vainqueur de Goliath, le géant philistin, David devenu roi d’Israël vers ~1000.

Booz et Ruth engendrent Obed qui engendre Isaï (appelé aussi Jessé) qui engendre David. On y est .

C'est tout ? Non: j'ai oublié Déroulède!...

Paul Déroulède : 1846 - 1914. Ecrivain, Boulangiste (Ligue des patriotes) , Agitateur anti-républicain (tentative de soulèvement de l'armée contre la république parlementaire) au moment de la mort (délicieuse disait-on, dans des bras accueillants, féminins et ... passablement scandaleux) de Félix Faure en 1899. Il sera banni dix ans. Un patriotisme nationaliste et revanchard fait le fond de ses écrits.

A propos du général Boulanger (1837 - 1891) , je lis qu'il était très attaché à sa maîtresse, Mme de Bonnemain, qui avait beaucoup d'influence sur lui et écarta ainsi la tentation du coup d'Etat, et que, peu après le décès de celle-ci, il s'alla suicider sur sa tombe dans cette Belgique où, condamné par contumace à la réclusion à vie, il s'était réfugié. Joli!

Finkielkraut cite aussi Isidore de Séville, que j'abandonnais malencontreusement à l'oubli. Allez, "a minima" : né en 570 et mort en 636. Evèque de Séville et savant érudit, il est un grand organisateur de l'Eglise d'Espagne. Défenseur de la religion chrétienne, il ferraille contre la philosophie et la culture païenne, tout en en retenant (mais n'en retenant que) ce qu'il juge utilisable pour la foi.Tentation syncrétique ?

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