Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
28 février 2006

Mettre de l'eau dans le vin... du Monde?

Socle Commun ?

Ce mardi 28 / 2, la question de « logique » de notre « grand quotidien du soir » veut nous faire revenir aux problèmes de robinets sempiternellement présentés comme le cauchemar des apprentissages de l’école communale ….

Je donne le texte :

Deux réservoirs de 10 litres contiennent chacun 9 litres d’eau et 1 litre de colorant chimique miracle rouge, qui a la particularité de se mêler uniformément, intégralement et immédiatement à l’eau à laquelle il est mélangé. La concentration en colorant de 10% est jugée excessive, et on décide de la diminuer.

Pour le premier réservoir, on procède de la manière suivante : on ouvre la vanne d’écoulement, on laisse s’échapper un litre, puis on verse un litre d’eau claire. On renouvelle l’expérience dix fois.
Quelle est la nouvelle concentration en colorant, en %, à deux décimales près ?

Pour le deuxième réservoir, on ouvre la vanne qui laisse s’écouler pendant dix minutes le liquide à raison d’un litre par minute, et on ajoute parallèlement et au même rythme d’un litre par minute de l’eau claire.
La nouvelle concentration sera-t-elle supérieure ou inférieure à celle du premier réservoir ?
Quelle sera-t-elle, en %, à deux décimales près ?

Sur le fond, l’exercice est très scolaire et je n’en vois pas bien l’intérêt pour le «lectorat» du Monde… sinon qu’il est peut-être caractéristique du niveau de difficultés dont on peut se demander s’il doit ou non être accessible au sein du «Socle Commun» à imposer dans le cadre de la scolarité obligatoire / accession à la citoyenneté….. Il y aurait alors proposition de débat ?

Des éléments de solution d’abord :

Dans le premier cas décrit, si, à l’issue de l’étape n° N, il y a le volume V(N) de colorant dans le réservoir, on en laisse échapper le dixième au cours de l’étape N+1 à l’issue de laquelle il en restera les neuf dixièmes pour former le volume V(N+1). On a donc l’égalité : V(N+1)=0,9xV(N).
V(0)=1 : il y a initialement (étape « 0 ») 1 litre de colorant.
V(1)=0,9xV(0) =0,9
V(2)=0,9xV(1)=0,9x0,9
Etc.
V(10)=0,9x0,9x…x0,9        ......où le facteur 0,9 intervient dix fois. La multiplication de dix termes égaux à 0,9 est la « puissance dixième » de 0,9 et s’obtient à l’aide d’une calculette de type collège qui affichera 0,348678440. Il s’agit en réalité d’une valeur approchée que l’on peut arrondir soi-même à un nombre inférieur de décimales avec la règle suivante : si la première décimale négligée est {0,1,2,3,4} on maintient telle qu’on la lit la dernière décimale retenue, et si la première décimale négligée est {5,6,7,8,9} on augmente d’une unité la dernière décimale à retenir.
Ici, le volume final V(10) de colorant dans un réservoir de dix litres correspond à un volume 10xV(10) dans un réservoir de 100 litres soit à 3,48678440 litres pour 100 litres ou, conventionnellement, un pourcentage égal à : 3,48678440%.
Mais nous dit-on : «…à deux décimales près». Irritante formulation (de fait incorrecte) qui exige simplement de fournir un arrondi ne comportant que deux décimales (il conviendrait de dire : avec arrondi sur la deuxième décimale). Par la règle énoncée, on regarde la troisième décimale. C’est un 6. On fournit donc comme réponse : 3,49% .

Dans le second cas décrit, le raisonnement est du même type mais à une échelle qu’on dit usuellement «différentielle». On se place à un instant qu’on nomme «t» et on imagine l’évolution du système entre les instants «t» et «t+dt», où «dt» désigne un intervalle si petit … que rien de ce qu’il nous ennuierait de voir se modifier ne se modifie (!) sans qu’il soit pour autant interdit à ce que nous voulons voir changer de le faire !! Cette prétention démiurgique et – en première lecture – absurde, est toute la force de la méthode et trouve sa justification dans les innombrables succès (et l’absence d’échecs !) qui couronnent depuis Leibniz (1646-1716) son application.
On note V(t) la quantité de colorant dans le réservoir (rempli constamment de 10 litres de mélange) à l’instant t. Il y a donc 0,1xV(t) litres de colorant par litre de mélange. On compte le temps en minutes et les volumes en litres. En «dt» minutes (dt est un nombre !), il s’est écoulé hors du réservoir «dt» litres de mélange et nous avons donc «perdu» 0,1xV(t)xdt litres de colorant. On note dV(t) cette (très petite) quantité perdue et puisqu’elle est perdue, on la mesure par un nombre négatif (signe «-» ).
D’où l’équation : dV(t)=-0,1xV(t)xdt
Une telle équation, qui utilise les symboles «différentiels» dV(t) et dt s’appelle une équation différentielle. La reconnaître et la résoudre renvoie à un niveau de classe terminale où le type d’écriture obtenu est répertorié et dont la solution (expression V(t) du volume du colorant en fonction du temps t) est de la forme symbolique :
V(t) = V(0)e-0,1t         

soit ici (car V(0), volume à l’instant t=0, est égal à 1) : V(t) = e-0,1t .
Ce qui nous intéresse, c’est la valeur V(10), volume du colorant au bout de dix minutes.

Donc : V(10)=e-1 . Une calculatrice actuelle, même de type collège, fournit le résultat et affiche pour e-1 : 0,367879441.
Il y aura donc 0,367879441 litres de colorant dans nos dix litres de mélange, soit 3,67879441 litres dans cent litres ou un pourcentage de colorant de 3,67879441%. On arrondit sur la deuxième décimale en regardant la troisième, égale à 8 et on fournit comme réponse : 3,68%.

Comparaison des méthodes (n’est pas raison ? Ici, si !) : on note d’abord que la deuxième méthode laisse un peu plus de colorant dans le mélange !
Ensuite, on peut se dire que la première méthode aurait pu être améliorée en étapes non d’un litre mais d’un dixième de litre , ce qui aurait donné 100 étapes au lieu de dix et à chacune, non pas le coefficient multiplicateur 0,9 pour recalculer le volume de colorant mais le coefficient 0,99 …. A prendre 100 fois. La calculette nous aurait donc fourni comme valeur finale du volume de colorant la « puissance centième » de 0,99 , en affichant : 0,366032341 qui nous conduisait à un pourcentage final de colorant de : 3,66%.
Mais alors, et si on avait fait 1000 étapes ? Avec chaque fois l’écoulement-remplacement d’un centième de litres (un centilitre). Le coefficient multiplicateur par étape devenait 0,999 et la calculette nous calculait la puissance millième de 0,999 en affichant : 0,367695425 qui donnait finalement un pourcentage final de colorant égal à : 3,68%.
Voilà, on a rejoint par étapes d’un centilitre, avec la méthode «par à coups», le résultat obtenu par la méthode «en continu». Travailler par «à coups» d’un millilitre (donc avec 10 000 étapes !) ne changera rien au niveau de précision (deux décimales) demandé. On devrait calculer la puissance dix-millième de 0,9999. Affichage : 0,367861046. Et, après arrondi…. Toujours 3,68% de colorant dans le mélange.

MORALITÉ: … la première méthode (je vide un peu ; j’arrête ; je rajoute un volume égal au volume écoulé ; je recommence…), qui se prête au plus élémentaire des deux calculs, évolue, en multipliant les étapes (en utilisant des écoulements-remplissages fractionnés de plus en plus petits en volume), vers la méthode différentielle, plus «savante», cas-limite ou « idéalisation » en quelque sorte .
On se retrouve exactement dans ces situations de raisonnement qui ont fait le fond des «apories du mouvement» chez les grecs (Zénon d’Élée . V° siècle avant JC), où à force de décomposer le geste, on en venait à en nier la possibilité. Mais ici, on va dans l’autre sens. C’est la multiplication du discontinu «petit» qui, clairement, débouche sur le continu. C’est la convergence même des résultats «élémentaires» (plus on fractionne discontinûment, plus on se rapproche de l’affirmation du modèle continu) qui milite pour (et valide a posteriori) la méthode «savante».

ET LE SOCLE COMMUN ? À l’évidence, on doit le limiter à la première méthode. Mais il doit l’intégrer et la maîtriser, avec dès lors la possibilité d’entrevoir son évolution par étapes multipliées.

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité