Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
21 février 2006

Éducation, erreurs de positionnement, mini-solutions...

Références : France-Culture (Répliques-A.Finkielkraut-Samedi 18/2) & Le Monde (Focus pages 22,23 - Th. Piketty- Mardi 21/2)

Alain Finkielkraut avait programmé samedi dernier une session de Répliques consacrée au journal Le Monde. Invités : Edwy Plenel et Eric Fottorino. À l’ouverture de l’émission, il annonce qu’un des deux invités s’est fait porter pâle et qu’il a dû, au débotté, nous mitonner autre chose sur La “Révolte” des banlieues, avec Robert Redecker et Clémentine Autin, dont je n’ai pas noté les caractéristiques officielles, autour du journalisme. Une bonne partie des échanges sera de fait centrée sur l’école.

Et dans le numéro de mardi du quotidien grippé, voici qu’éclôt une double page, analyse prospective de Thomas Piketty (directeur d’études à l’EHESS) et entretien avec Patrick Weil (directeur de recherche au CNRS), sous le titre général Éducation: les promesses de la discrimination positive.

Quelles ont été les affirmations émises, les idées avancées, ici et / ou là ?

Le discours des travailleurs sociaux conforte sinon crée chez les jeunes la haine de la culture, des livres, du scolaire (R. Redecker)
Le discours médiatique, qui exige de l’immédiat, délégitime l’école qui est médiatrice sur le long terme et dénature, dans ses attentes, l’enseignement, qui est sa propre finalité (A. Finkielkraut)
Il faut en revenir aux anciennes méthodes, revaloriser la notion de devoir, mot-concept devenu tabou (R.Redecker)
L’école est peuplée d’ayants droit, ce qui induit une relégation du devoir, de l’obligation (A.Finkielkraut)
Il y a une genèse tribale des comportements, confer Hannah Arendt (La crise de l’éducation) et l’autorité tyrannique des pairs, du groupe (A. Finkielkraut)
Le “pédagogisme” tient un discours compassionnel contraire à l’exigence de formation constructive (R.Redecker)
Il y a également une génération tribale de l’échec scolaire, car si tous échouent, nul n’échoue. Concomitamment, l’échec scolaire signe l’appartenance à la tribu et le “bosseur” est traité de “bouffon”(A.Finkielkraut).
D’après Jean-Marie Petitclerc (directeur de l’institution Le Valdocco - “spécialiste” es comportements scolaires déviants), il est devenu dangereux, en ZEP, d’être “premier de la classe” (cité par A.Finkielkraut)
Les enfants d’ouvriers disparaissent en route : 38,9% à l’entrée en CP et 19,2% en terminale générale . Les enfants de cadre se multiplient : 19,2% puis 29,7% aux mêmes niveaux (Th.Piketty)
En diminuant de cinq unités la taille des classes en ZEP (passage de 22 (norme actuelle) à 17), en CP et CE1, on réduit de près de 45% l’inégalité en mathématiques à l’entrée en CE2 entre écoles ZEP et hors-ZEP (Th.Piketty)
Contrairement à une idée tenace en sciences de l’éducation, les instituteurs semblent tout à fait capables de tirer parti eux-mêmes (c.à d. sans “nouvelles instructions pédagogiques”) de classes plus réduites (Th.Piketty)
On pourrait envisager que 7 à 8% des meilleurs élèves de chaque lycée de métropole et d’outre-mer puissent se voir proposer d’accéder directement aux premières années des cycles du supérieur qui sélectionnent à l’entrée (classes prépas, IEP en province et à Paris, Dauphine,..) (P.Weil)
Des moyens accrus pour le primaire et des dispositifs d’admission préférentielle dans le supérieur permettraient de tenir les deux bouts de la chaîne (permettraient de progresser) (Th.Piketty)

Commentaires ......

La convergence critique est évidente chez Finkielkraut et Redecker, dans une tonalité qui dérange (mais il y a là toute une école de pensée, qui comprend aussi Laurent Lafforgue) d’autant plus qu’elle est tout à fait exacte, en général, dans le constat. Hélas, elle dérape dans les solutions à apporter, qui manquent totalement d’ouverture et mélangent le passéisme et l’absence d’imagination. Et c’est dommage!

Il y a toutefois une affirmation très contestable, une erreur même d’interprétation. Je ne crois pas dans l’absolu à la mise à l’écart du groupe du “bosseur” parce qu’il “bosse” ou qu’il est “premier de la classe”. L’exclusion se détermine à partir des attitudes et celui qui n’est pas supporté / accepté par la “tribu” c’est le “collabo”, celui qui pactise, dans des attitudes de courtisanerie, avec cet “ennemi de classe” qu’est l’adulte. On discrimine le “fayot” et la “balance”. Or il est des gamins qui savent concilier l’envie d’apprendre et l’exigence de solidarité, et je crois que ceux-là sont acceptés, et même appréciés car ils peuvent aider les autres, de pair à pair, à surmonter certaines difficultés d’apprentissage. Il y a, de ce côté, des possibilités de travail sur les mentalités, où une part essentielle revient à l’adulte-enseignant. C’est à lui, aussi, de marquer les territoires, d’accepter la logique du groupe-élèves, et de chercher à instaurer le respect mutuel, sans compromission, mais sans guerre. Difficile, évidemment, et qui renvoie à la formation des maîtres et au fonctionnement des équipes éducatives.

Il y a un problème réel de méthodologie des apprentissages (dont les apprentissages civiques ou citoyens) à surmonter pour faire face à l’indiscutable primauté actuelle de “l’avoir-droit” sur le “devoir-faire”, à l’indiscutable déviation pédagogique induite par la compassion qui se déploie sous une forme quasiment idéologique . Cela est vrai. Mais on ne saurait y apporter une réponse basée sur la contrainte excessive et le tout-répressif. Il faut jouer sur les conditions même de la transmission des connaissances et de l’offre d’acquisition des compétences. C’est la cellule-classe rigide avec son pack d’exigences “toutes disciplines égales” et son souci de marche à l’amble sur critère d’âge qui pervertit le souci de formation “pour tous”. Car tous sont “différents”. Il faut donc parvenir à “modulariser” ce qui, dans des systèmes sélectifs, peut fonctionner d’un seul tenant, l’homogénéité faisant partie des exigences de départ. D’où la nécessité d’un socle commun “pour tous”, installé sur des objectifs minimalistes, et d’une offre optionnelle de formation “pour chacun”, assise sur une grille d’unités de valeur où tout parcours individuel est possible, dans des choix réellement personnels.

Thomas Piketty a raison de souligner l’importance de l’enseignement élémentaire (et pré-élémentaire), mais je crois, ce qui n’est pas évoqué en général, qu’il faut repenser en une seule entité tout le bloc maternelle-élémentaire-collège pour dégager une seule politique pédagogique cohérente de la scolarité obligatoire, avec un corps unique de professeurs. L’allègement des effectifs est évidemment un élément clé dans les apprentissages “par voie classique” mais, et c’est bien là le hic, je crois que cette “voie classique”, si chère par exemple à R. Redecker, ne peut être maintenue que sur les apprentissages de base du socle commun, et encore en y posant la question : n’est-il pas plus efficace de gérer 24 enfants à deux professeurs que de confier séparément à chacun un groupe de 12? Je plaiderais donc pour une modification du principe “un maître-une classe” - à taux d’encadrement égal - plutôt que pour un abaissement des effectifs (avec de fait équivalence budgétaire).

Par contre, l’idée de Patrick Weil d’un quota réservé de places (pour la tranche 7/ 8% de meilleure réussite scolaire de tout établissement) dans le “supérieur sélectif” me semble, toutes choses égales par ailleurs (car l’effort de réforme devrait aller au delà de cette mesure-mesurette), excellente. Elle permet de poser un principe de “tous lycées égaux” qui peut éventuellement, c’est souligné dans les articles, jouer en faveur de la mixité sociale, créant, par le biais d’un “plus facile” supposé, un courant d’inscription à court terme des hors-ZEP vers les ZEP! La chose en tout cas vaut d’être immédiatement tentée... et ne coûte pas cher !

Il reste néanmoins et ressort de tout cela que les plus agressifs dans la critique sont trop peu constructifs dans la proposition (on ne peut se contenter d’un “machine arrière, toute!”) et que les plus “proposants” ont la proposition timide. Devant l’ampleur des dégâts, toute politique de “petits pas” est condamnée au mieux à un demi-échec. Il faut repenser tout le système. J’en ai déjà plusieurs fois parlé ......

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité