Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
26 janvier 2006

BLEU DE CHAUFFE. Roman réaliste ?

C’est paru chez Stock. On a droit en bandeau amovible à la photographie d’un type d’une grosse quarantaine d’années, le cheveu dru et brun, avec une vraie bonne tête de plombier, le type qu’on sent sympathique, direct, un peu grande gueule et... éventuellement disposé à être trouvé si on vient le chercher. Le ton du bouquin en somme.

Il ressemble à la fois à l’acteur Georges Géret (un bon second couteau du cinéma français. Vous l’avez par exemple vu dans un film de Luis Buñuel de 1964, avec Jeanne Moreau: "Le journal d’une femme de chambre" . C’est repassé assez récemment à la télé) et au gérant de mon petit magasin “8 à 8”, très aimable lui aussi tant qu’on ne le cherche pas et qui partage ses tatouages entre l’épicerie l’après-midi et le service de sécurité de la Sorbonne, la nuit.

C’est Patricia Martin qui m’a fait acheter le roman. Non qu’elle soit de mes connaissances directes, mais parce qu’elle officie sur France-Inter et qu’elle est, dans l’émission “Le Masque et la Plume”, une voix chaleureuse qui ne fait pas un numéro mais donne sincèrement son opinion, laquelle fut, sur le bouquin, enthousiaste.

Donc: “Bleu de Chauffe ”. Une histoire de plombier OHQ (Ouvrier Hautement Qualifié). Le type en photo s’appellerait Nan Aurousseau. Etonnant le prénom. Breton? Je me suis demandé s’il y avait pseudonyme et anagramme, mais je n’ai rien vu de convaincant en bidouillant deux minutes les lettres.... Si on est potache, on peut se dire que c'est un modeste et qu'il s'est phonétiquement désigné comme un "nano-Rousseau" (un Jean-Jacques minuscule, en quelque sorte ....). J'en doute.

Il a eu une enfance dans la délinquance (ça sent son témoignage, il y a une part probablement large d’autobiographie), il fait dans l’intérim, là il a un patron pousse-au-crime qui donne dans la magouille à tout crin et - prévisible en plomberie- l’entubage systématique. Les embrouilles du patron ont ruiné le pseudo-bras droit qu’il exploitait et qui est devenu assez cinglé pour le chercher tout au long du bouquin avec une winchester dans le coffre de la bagnole. Lui, le Nan, devenu Dan dans le roman, outre qu’il fait les chantiers merdiques dudit patron en compagnie de Makalou, son aide, un gros black costaud de 120 kilos doux comme un agneau, il est marié avec une femme dont il nous tait le prénom, qui ne connaît rien à la littérature (lui, son truc, c’est Blaise Cendrars), mais qui a du caractère, qui lui convient et avec qui, c’est lui-même qui nous tient en ces termes au courant, il baise. L’affaire semble se faire dans le meilleur esprit mais nous n’aurons aucun détail. Exemple: “On est revenus à l’hôtel et, malgré que ce soit pas prévu, on a encore baisé”. Bien.

L’intrigue se développe, tranquille, on exploite le flash-back, un souvenir de chantier appelle un souvenir d’enfance, tandis que se tricote au présent une plongée inconsciente et progressive dans la déprime, entre Patouillard, le médecin du travail qui voudrait qu’il consulte “quelqu’un” et qui prolonge ses congés-maladie, Dujardin (c’est le cinglé à la winchester), quelques figures de passage, hautes en couleur, et Dolto, le patron, avec ses lunettes à double foyer, “pourri et sans pitié à l’intérieur”, sans oublier l’épouse, aimante, baisée régulièrement, on l’a dit, et qui fait ce qu’elle peut pour suivre. Tout ça finira mal et le roman plus ou moins en eau de boudin.

Car il y a malgré tout, livre refermé, un peu de déception. Le début est formidablement bien “torché” : du rythme, des trouvailles incessantes de ton, un style écrit-parlé qui sonne terriblement juste ; ça fourmille d’anecdotes et de micro-drames que le recul et un certain panache linguistique rendent hilarants. C’est extrêmement bien “raconté”. On s’y croit: il est là, Dan, devant nous, au bistrot, et il nous narre avec faconde et une truculence pleine de vie qui nous fait marrer des scènes dont on se dit qu’elles sont trop “enlevées” pour ne pas avoir été “vécues”.

Mais... Mais l’affaire se tasse dans le dernier tiers du livre. L’exceptionnel réalisme des scènes de chantier est alors majoritairement remplacé par la description plus classique d’un week-end semi-policier en bord de mer et l’intérêt, le mien en tout cas, fléchit un peu. Encore nombre de notations intéressantes, mais moins de verve et sur le strict plan du scénario, le tissu se défait. La chute, en deux pages, dans son improbable délire, m’a laissé “à côté”. Bref, on a envie de réécrire soi-même la fin. Un peu dommage.

Un peu seulement, car, à ces quelques réserves près, le bouquin reste d’un haut niveau de divertissement et trop de passages sont jubilatoires pour qu’on envisage de s’en priver. C’est, du début à (presque) la fin une assez formidable pochade. Pas moins, mais aussi, qu’on ne s’y trompe pas, pas plus. Stylistiquement il y a sans doute quelques tentations à la Frédéric Dard (sauf côté sexe!). Pas complètement sûr... Pour le reste, il faudra voir s’il y a un deuxième souffle (c’est un premier roman, sauf erreur), ou si tout a été dit.

Quand même, allez-y ce coup-ci, vous ne vous ennuierez pas!

Publicité
Publicité
Commentaires
N
nan :prénom féminin chinois<br /> et si c'était un surnom ?
Répondre
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité