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AutreMonde
3 janvier 2006

Conférence de presse-bis...

RÉÉCRITURE DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DE GILLES DE ROBIEN SUITE À L'AGRESSION D'UN PROFESSEUR DU LYCÉE LOUIS-BLÉRIOT (ÉTAMPES).

DISCOURS NON TENU (19/12/05) - ON TROUVE LE "DISCOURS TENU" SUR www.education.gouv.fr
Seul le prononcé fait foi (et il a été assez différent !)

Mesdames et Messieurs,

J'ai souhaité, avec le recteur d'académie de Versailles et l'inspectrice d'académie de l'Essonne, vous rencontrer aujourd'hui.

Mes premiers mots seront pour Madame Karen Montet-Toutain, professeur d'arts plastiques qui a été poignardée en plein cours, vendredi matin, par un de ses élèves, au lycée Louis-Blériot d'Etampes.

Je pense à cette enseignante, à son travail, à sa mission, qu'un acte invraisemblable, une tentative d’homicide en classe, est venu mettre en cause.

Je me réjouis que ses jours ne soient pas en danger. En ce moment difficile, je veux lui faire part, bien sûr, de mon soutien et du soutien de l'Éducation nationale dans cette terrible épreuve. Je veux aussi l’assurer de ma volonté d’examiner au plus près, avec l’aide de l’encadrement, du chef d’établissement, de l’inspectrice d’académie, du recteur, l’enchaînement (des circonstances, des comportements, des responsabilités) qui a pu nous conduire là. Cette affaire s’inscrit, avec une acuité exceptionnelle, dans la question de la violence dans les établissements, que nous avons à traiter avec un souci particulier, au sein de l’ensemble des questions que pose le système éducatif.

La sécurité des enseignants et de l'ensemble des agents de l'Education Nationale, la sécurité des élèves, sont naturellement la première préoccupation du ministre.
On ne peut pas enseigner, on ne peut pas transmettre des valeurs et du savoir, sans un climat de sécurité et de sérénité.
Il est cruel d’avoir à ré-énoncer un tel truisme, une telle évidence. Je l'ai redit aux enseignants du lycée, que j'ai rencontrés vendredi après-midi. Et je suis profondément amer d’avoir dû le redire. Le ministre parle : words, words, words… ? Nous ne pouvons pas nous installer ainsi, face au drame, dans la seule déploration assortie du rappel des principes. Je voudrais en conséquence dégager un certain nombre d’axes d’action et de réflexion.

Rapidement : de quelles informations disposait sa hiérarchie ?

Car nous touchons là à un problème récurrent, celui du manque de transparence en interne du système, celui de la faible pertinence des indicateurs usuels et des procédures courantes quant au niveau exact des difficultés pédagogiques et relationnelles dans les établissements, dans les classes. Je tiens absolument à changer des habitudes qui, de la crainte de mal faire et d’être mal jugé à l’omerta de solidarité, nuisent gravement à la saisie des problèmes. J’y reviendrai.

Mme Montet-Toutain avait envoyé le 6 décembre un courrier électronique à son inspectrice pédagogique, faisant état des difficultés qu'elle avait avec une autre classe (classe de CAP).
L'inspectrice a vu Mme Montet-Toutain le 9 décembre, lui a apporté avec une bonne volonté et une ouverture d’esprit dont je suis certain ses « conseils » (je reviendrai bientôt sur le rôle et les missions des corps d’inspection) et arrêté avec elle le principe d’une nouvelle visite en janvier.

Mme le proviseur du lycée nous a indiqué ne pas avoir été avertie, ni par oral ni par écrit, par Mme Montet-Toutain. Je le regrette. Le contact direct avec l’inspection régionale est une bonne procédure, mais au sein de l’établissement, une relation de confiance et d’écoute doit s’établir entre le chef d’établissement et les enseignants, qui s’accompagne de la prise en compte immédiate et au plus près des difficultés rencontrées. C’est bien dans le cadre de leur autonomie que les lycées (et les collèges) doivent d’abord examiner les problèmes. Je re-préciserai cela .

Un important média de la presse écrite s’est fait l’écho de témoignages d’élèves affirmant que l’agresseur de Mme Montet-Toutain était déjà venu armé en classe, sans déclencher leur inquiétude, c’est à dire essentiellement (la langue de bois s’apprend jeune) leur réaction… Sous réserve de confirmation du fait, je ne peux que dénoncer ce qui me paraît être une « solidarité de classe » mal comprise, où la qualification de « balance » fait office d’étoile jaune. Une réflexion générale est à engager, et va l’être, d’abord localement (j’y reviens), pour fournir à tout groupe-classe les moyens de dépasser ces comportements collectifs irresponsables.

Je veux approfondir ma réflexion sur tout cela, et parce que pour pénible qu’il soit, ce drame doit être, comme tout échec, une occasion d’avancer, en pointant le « spécifique à l’établissement » mais aussi en repérant les leçons à en tirer pour tous les autres, je demande à l’inspection générale une analyse ciblée, pédagogique et administrative, du contexte de cette affaire.

Deux mots complémentaires sur la notion d’autonomie évoquée plus haut et qui sera, je l’ai dit, précisée. Un établissement, sa gestion, son fonctionnement, procèdent de trois logiques :

1. Une logique nationale, dans la prise en compte des directives que lui transmet l’administration centrale ou ses relais (rectorat, inspection d’académie) et dans le respect de principe des programmes d’enseignement (éclairés par le dialogue avec les corps d’inspection).

2. Une logique locale, correspondant à l’analyse en situation de la population scolarisée, analyse menée par les professeurs et l’ensemble de l’équipe éducative, analyse pouvant déboucher sur des initiatives pédagogiques dont la validation ne peut intervenir qu’a posteriori, dans le cadre du suivi des corps de contrôle, à la lumière des résultats obtenus.

3. Une logique « environnementale ». L’établissement est partie prenante d’une aire de vie, d’un quartier, d’une zone, aux côtés des autres institutions et administrations de la république, et il doit, avec toutes, élaborer une véritable politique civique locale où l’éducatif, dont il a particulièrement la charge, s’articule avec le culturel, le sportif, l’associatif, etc. Dans cette logique, les liens entre les établissements, la police et la justice doivent être actifs, dans la perspective d’une relation constructive de l’apprenti citoyen qu’est l’élève avec la pratique et les valeurs d’un état de droit. On voit bien qu'ils sont nécessaires. La sensibilité enseignante, la sensibilité « jeunes », sont sur le sujet des sensibilités chatouilleuses. Il faut dépasser cela, par l’explication, par le dialogue et par la qualité à rendre évidente du rapport humain qu’on cherche à construire.

Je vais très rapidement mener sur ce thème de l’autonomie une réflexion avec les recteurs, les inspecteurs d’académie et les chefs d’établissement. L’inspection générale (sous ses deux aspects, pédagogique, administratif) sera étroitement liée à ce travail. Les collectivités locales sont évidemment concernées par cette analyse. Je vais m’attacher à chercher avec elles les indispensables synergies.

Bien entendu il y a la question pendante de la formation professionnelle des enseignants, celle du rôle et de la place des parents. J’y pense. Nous y travaillons. Mais là, concrètement, soyons efficace à court terme et commençons à prouver le mouvement en marchant.

Ce drame, au delà des indications qui précèdent, appelle une réponse à chaud, immédiate. Je vais faire droit à une requête des enseignants de l’établissement qui me semble de toute façon s’imposer dans le cadre qui suit.

1. Je désigne deux inspecteurs généraux (un pédagogique et un administratif) qui consacreront tout ou partie de la journée de lundi 2 janvier, avec le recteur d’académie, l’inspectrice d’académie, l’inspection pédagogique régionale et le chef d’établissement, constituant avec eux une cellule de crise, à une réflexion d’ensemble préparatoire aux trois demi-journées banalisées des mardi 3 et mercredi matin 4 janvier dont je décide la mise en place.

2. La matinée de mardi 3 janvier sera consacrée par la cellule formée ci-dessus à un travail de réflexion avec l’ensemble de l’équipe éducative (les élèves ne seront pas accueillis) du lycée Blériot sur le thème de ses difficultés locales et, dans le cadre de l’autonomie de l’établissement, sur les adaptations et réponses pédagogiques et éducatives possibles.

3. L’après-midi de mardi, les élèves seront tenus de rejoindre l’établissement pour y participer, avec leurs professeurs, à un travail de dialogue et d’échange sur les questions éducatives dont les modalités devront avoir été définies le matin. Les membres de la cellule de crise observeront le déroulement de la demi-journée.

4. Le matin du mercredi 4 janvier, la cellule de crise et l’ensemble de l’équipe éducative tireront les leçons des échanges de la veille, en première partie de matinée avec l’ensemble des élèves délégués statutaires des classes de l’établissement (les autres élèves ne seront pas accueillis), en deuxième partie à huis clos.

5. Le recteur d’un côté, les deux inspecteurs généraux de l’autre me communiqueront avant vendredi 6 janvier un rapport sur le déroulement et les aboutissements de ce travail collectif, ainsi que sur les conclusions qu’ils en tirent dans le cadre de notre politique générale d’établissements.

Nous mettrons tout cela en regard des démarches que j’ai déjà entreprises, en particulier dans le cadre de la mission impartie au récemment formé Haut Conseil de l’Éducation et dans la perspective de mon projet « Ambition Réussite ».

Je ne voudrais pas terminer sans revenir au cas de Mme Montet-Toutain. J’envisage – à discuter avec elle – des mesures compensatoires d’ordre professionnel à son bénéfice. Je pense à ce jour à la possibilité de lui attribuer un statut contractuel de professeur associé dans un IUFM de son choix, ce qui lui permettrait une année de recul dans le cadre d’activités partagées, aux côtés des responsables de formation de l’établissement. Dans l’immédiat, nous lui laisserons, compte tenu du choc des circonstances et dans la perspective d’un rétablissement que je souhaite prompt et complet, le libre choix (évidemment avec maintien de son traitement) de ses activités pour la fin de la présente année scolaire, un remplaçant étant nommé sur son poste dès le 3 janvier.

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