Villepin: bonnet d'âne

VILLEPIN : bonnet d’âne !

Ainsi donc il y aurait des « mesures Villepin » pour l’école (Le Monde de samedi 3/12) ? Intéressant ! L’ennui, c’est que ce qu’on lit ensuite relève du « Tout faux ! ».
Le dossier n’est pas compris. À la décharge du premier ministre, personne n’a su jusqu’ici le traiter et, pour ne pas remonter aux calendes, depuis 1968 !

Et oui, le problème est là. Les opportunités sont rares. Le mouvement de Mai 68 était une formidable occasion de remise à plat du système, et en douceur parce que l’air du temps y prêtait. Mais les conservatismes veillaient, les bousculés de la veille n’attendaient que l’heure de la revanche, et faute d’une conscience politique (voilà un cas où de Gaulle, qui faisait trop confiance aux vaticinations de Malraux dans le domaine « intellectuel », n’a pas su être visionnaire), la réaction a immédiatement étouffé, accords de Grenelle acquis, l’élan.

Et Mai 81 ? Ah, oui ! Mai 81 ! Deuxième choc, deuxième chance ! Un monde éducatif tétanisé par les responsabilités qu’apporte le succès (Ah ! Le soulagement lâche de la victoire de Giscard en 74 dans les salles des professeurs ! Ouf, on va pouvoir continuer à râler sans effort supplémentaire…) ! Une hiérarchie hébétée, un vent de panique, il paraît que la Gauche va dissoudre les corps d’inspection, et « nous » renvoyer dans les classes ! Dans les classes ? Face aux élèves ? Pas ça! Pas nous! Mon Dieu !
Heureusement, l’impréparation totale des vainqueurs sur le dossier n’attendait que le moment de s’exprimer, et le fit avec efficacité ! Pas une idée qui tienne sur la refonte à opérer ! Un Savary par ci, un de Peretti par là, quelques gourous boursouflés de pédagogisme et… passez muscade. Il ne restait qu’à entrer dans l’ère des sigles, des MAFPEN et des ZEP, et à poursuivre sur le glorieux chemin de l’incapacité.

Et nous sommes où nous sommes ! Et nos souvenirs latinistes remontent. On va remettre à l’ordre du jour la décimation. On va crucifier quelques parents. Les banlieues ont bougé ? C’est terminé ! La révolte de Spartacus a fait flop … mais on a eu sacrément peur. Villepin va la jouer Crassus. Les ZEP, c’est sa voie Appienne , on va compter les croix !

Las, le problème n’est pas là où on croit le traiter. Les parents ? Oui, bien sûr, on peut y réfléchir… mais après ! Le problème, c’est une conception rigide, frileuse, pusillanime, archaïque, de la formation, engoncée dans des programmes conçus par des spécialistes aveugles se disputant, comme des chiens un os, le volume horaire qui leur sera imparti. Et ces programmes, on ne pourra pas les enseigner. Le problème, c’est le refus complet de voir que l’immense bonne volonté des professeurs et un renversement total de la mentalité des hiérarchies pourraient permettre à des établissements enfin autonomes, vraiment autonomes, maîtres de leurs moyens, matériels et humains, de se mettre au travail et au niveau de leur mission locale : faire de ces enfants, là, ceux-là et pas d’autres, avec leurs problèmes de quartier et leur envie d’un autre monde, des citoyens. Et de le faire « à leur façon », avec contrôle a posteriori et jugement «sur résultats».

Ce n’est pas le crypto-élitisme des ZEP à Sciences-Po et des Classes d’accueil à Henri IV, au demeurant parfaitement humiliant, qui est une réponse à la question posée. Il n’y a pas d’établissement d’excellence ! Ils le sont potentiellement tous ! Il y a des jeunes gens et il y a des adultes, enseignants et membres de la communauté éducative, à qui on ne donne pas le moyen de s’exprimer. Et ce moyen s’appelle liberté, liberté de faire vivre, guidés par une hiérarchie rendue à l’intelligence, dans un système capable de concilier le socle commun pour tous et l’épanouissement strictement individualisé de ses goûts et de ses dons pour chacun, de faire vivre un système éducatif qu’on peut, si on s’y prend autrement, réinventer.