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AutreMonde
4 décembre 2005

A propos de Khmers rouges

Le Haut Conseil de l’Éducation et les Khmers rouges

Savoureuse information dans le Monde de Jeudi 24/11 et que sauront apprécier les gourmets de la chose éducative : Laurent Lafforgue démissionne du Haut Conseil de l’Éducation.

Laurent Lafforgue est jeune, plus que talentueux et mathématicien : médaille  Fields, soit en équivalence (l’inventeur de la dynamite n’a pas compté les mathématiciens au nombre des « bienfaiteurs de l’humanité ») prix Nobel. Il est aussi membre de l’Institut, et outre sa chaire à l’I.H.E.S. (Institut des Hautes Études Scientifiques)… il s’intéresse à l’enseignement secondaire. Bien.

Cosignataire, avec d’autres scientifiques de haute volée, dans le cadre de la Fondation pour l’innovation politique, en 2004, d’une réflexion[1] sur « Les savoirs fondamentaux au service de l’avenir scientifique et technique » sous-titrée : Comment les « réenseigner », Laurent Lafforgue se retrouve nommé et installé le 8 novembre dernier au Haut Conseil de l’Éducation, récent « organisme rattaché » à la réflexion du ministère sur les problèmes de formation des élèves (Socle commun) et des maîtres (réforme des IUFM).

La pensée pédagogique de Laurent Lafforgue est intéressante, mais pas franchement « de gauche ». Il est vrai que le maçon ayant montré depuis qu’il s’est retrouvé en mai1981 au pied du mur à la fois les limites de sa prospective et sa patente inefficacité, cette qualification n’est en rien une garantie de pertinence et de lucidité quant aux problèmes éducatifs. Mais enfin la pensée de Laurent Lafforgue n’est pas « de gauche » et s’apparenterait plutôt à ce qu’un thuriféraire de « l’enfant au centre du système éducatif », par ailleurs prêt à  déplorer « l’humiliation permanente des élèves », appellera « une pensée réactionnaire ».

Or que suggère -  si j’en crois Le Monde – Bruno Racine, frais émoulu président du nouveau Haut Conseil de l’Éducation et néanmoins directeur du Centre Pompidou, à Laurent Lafforgue et à ses collègues? :  de faire appel, pour réfléchir aux problèmes posés par la définition d’un Socle commun de connaissances, à des experts de l’éducation. Il faut comprendre : des experts en sciences de l’éducation. Ah !… les sciences de l’éducation, avancée bouleversante et décisive dans le domaine pédagogique des deux dernières décennies du XX° siècle….. Comment Bruno Racine, s’il a lu Laurent Lafforgue pédagogue et s’il a pris la dimension de Laurent Lafforgue mathématicien, n’a-t-il pas deviné ? Un spécialiste des sciences de l’éducation, pour un scientifique de haut niveau attaché à l‘avancée de la réflexion par l’effort de la recherche, c’est un monsieur qui veut donner des conseils sur la façon d’aborder des concepts… qui excèdent ses compétences et auxquels il n’a à peu près rien compris.

D’ailleurs plus généralement, dans les milieux où prime l’exigence, les sciences de l’éducation sont aimablement perçues comme l’espace de préoccupation et le champ d’activité des exclus de la pensée constructive. On s’y plonge par défaut et, faute de pouvoir accéder dans sa discipline à l’excellence, on vaticine sur la façon d’en vulgariser les prémices, étendant au passage son champ de pseudo-compétence et d’investigation et jouant sa carrière sur la polyvalence des balbutiements comme accès à une forme de spécialisation.

Laurent Lafforgue est un savant. Il est persuadé (et d’autres avec lui) que la façon d’enseigner un concept ne s’interroge qu’entre possesseurs assurés dudit concept et, plus abruptement, que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ».

Le fond doit précéder la forme, la forme doit procéder du fond.

Et les Khmers rouges ? Laurent Lafforgue, éminent potache comme tout matheux qui se respecte aurait, par courrriel, indiqué à son « président » que faire appel aux experts de l’éducation pour discuter du Socle commun (de son contenu, sa préoccupation évidente), c’était s’en remettre aux Khmers rouges des questions de droit de l’homme. Cela aurait fait tache d’huile au ministère. Laurent Lafforgue a de l’humour. Hélas, comme disait le regretté Desproges : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Laurent Lafforgue a démissionné. Dommage.

[1] Sauf erreur, une contribution aux travaux de la Commission Thélot chargée de feu le Grand Débat Public sur l’École


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Commentaires
P
En effet, c'est un coup de sang. <br /> En effet, les informations du monde sont complétées par celles de l'agence AEF.<br /> En effet, la virulence de la réponse est à la hauteur de celle de la saillie de Laurent LAFFORGUE, ce qui n'est pas forcément astucieux, mais fait du bien.<br /> Mais le ton général de ce blog est lui aussi un peu caustique, alors pourquoi se géner ? <br /> D'accord, enfin, sur la nécessité d'apporter des réponses. Mais c'est une autre histoire à laquelle il faudra plus qu'un blog "d'humeurs" pour les exposer.<br /> Le problème avec l'Education, c'est qu'il y a dans ce pays 60 millions de spécialistes et que la plupart n'ont aucun doute sur la pertinence de leurs solutions...
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S
Retour virulent, à chaud ! Dans son principe, c’est sympathique. La forme sent bien son « coup de sang ». Et le fond ?<br /> Le commentateur semble avoir sur le contenu (le courriel) de la réaction de Laurent Lafforgue plus d’informations que le simple lecteur du Monde … d’où sans doute son couplet sur l’inspection générale, que j’ai trouvé très empathique et voisin du plaidoyer pro domo (cela dit, l’argumentation ne me convainc pas).<br /> Et puis, le problème n’était pas là, je crois. La question soulevée était bien plutôt celle de la nocivité réelle ou fantasmée des spécialistes des sciences de l’éducation. Elle est toujours posée, et retourner à Laurent Lafforgue son étiquette accusatrice ne la résout pas.<br /> Mais le commentateur a raison de poser une autre question : celle de la part de responsabilité de la structure (du système) et de ses officiants (les professeurs) dans l’échec de la formation initiale. <br /> Et c’est bien à celle-là qu’il faut essayer de répondre, si possible en termes de contre-propositions.
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P
Khmers rouges, éructa le fougueux !<br /> Qu'est-ce qui caractérise un scientifique, mathématicien de surcroît, sinon la rigueur du raisonnement et ... le doute. <br /> Qu'est-ce qui caractérise un Khmer rouge, sinon le sentiment de certitude en ses propres valeurs et l'absolue conviction de la perversion de la pensée des autres (qu'il faut exterminer au plus vite).<br /> Sentiment de certitude et doute scientifique sont antinomiques. Donc, jusque là rien d'anormal à la défiance de ce brillant prix Fields.<br /> Mais là où les choses se compliquent, c'est que le doute aurait du le saisir et l'amener, séant, à se demander s’il n’avait pas lui aussi quelques certitudes bien peu scientifiques. <br /> Sans forcément se demander si les virtuoses des sciences molles que sont les spécialistes des « sciences de l’éduc’ » (on prononce comme ça en volapuk mammouthien) ont quelques traces de rigueur cartésienne dans le raisonnement, il aurait pu au moins s’interroger sur l’apport qu’ils auraient pu avoir en étant auditionnés par le HCE. Lequel apport, selon notre fougueux, ne pouvant qu’être désastreux, il aurait pu sonner comme une démonstration par l’absurde de ce qui mine l’école aujourd’hui. CQFD.<br /> Pis en chargeant ainsi sabre au clair, il fait comme les mêmes Khmers rouges qu’il croit dénoncer.<br /> De plus, le fringuant et fougueux mathématicien, dans son élan de haine non maîtrisée, mis dans le même sac, l’inspection générale de l’éducation nationale, les services d’évaluation statistique du ministère de l’Education nationale et bien d’autres. <br /> Outre le manque de prudence de la saillie, évident dans une assemblée où il cohabite avec certains d’entre-eux, il fait un amalgame hasardeux et bien peu scientifique qui s’apparente à une faute majeure pour un mathématicien. Celui là ne généralise jamais sans démonstration à partir d’un cas particulier. <br /> Quand on connaît à la fois l’inspection générale et les services statistiques de l’Education nationale, on se demande bien ce qui peut lui faire penser à une quelconque proximité avec les « sciences de l’éduc’ ».<br /> Donc notre fougueux raisonne mal. Rendez votre médaille Fields s’il vous plait jeune homme !<br /> Sans rire maintenant, c’est avec ça qu’on a pu imaginer révolutionner l’école et améliorer le sort intellectuel de la jeunesse studieuse de France ?<br /> Les inspecteurs généraux, eux au moins ont été enseignants, eux au moins ils mettent les mains dans le cambouis des salles de classes et des établissements scolaire, y compris des plus défavorisés, certains fréquentent même les entreprises. Certes, ils ne sont plus très jeunes, mais la probabilité qu’ils puissent avoir atteint un peu de sagesse est ainsi sans doute plus grande. Certes, trop nombreux encore sont ceux d’entre eux qui se complaisent plutôt dans le confort douillet des classes préparatoires aux grandes écoles que dans les collèges de zones sensibles. Mais il y en a beaucoup aussi qui consacrent toute leur énergie (au moins toute celle que leur laisse la bureaucratie) aux enfants des milieux dits "socio-culturels défavorisés". Notamment à ceux que certains voudraient mettre au plus tôt au boulot dans les soutes de l’apprentissage (et peut-être bientôt peut-être dans les mines que la crise énergétique qui se profile fera sans doute rouvrir). Ceux là, ils vont dans les collèges pourris - et ne s’y font pas égorger – et dans les lycées professionnels où « la machine à exclure » déverse ses rebuts. Vous savez, les gosses qui ne réussissent pas, parce que, bien sur, c’est de leur faute car il est inimaginable que ce soit celle de leurs professeurs ou du système. Et le pire c’est que là ils peuvent réussir. Alors qu’attend-t-on pour leur demander comment ils font ceux qui réussissent à faire réussir ces gamins là ?<br /> Pardon, je m’égare, dans les salons feutrés de l’intelligentsia parisienne, où seuls les bons mots sont meutriers, on ne sait pas où est cette planète. De toute façon leurs enfants ne relèvent pas de ce monde là, alors …<br /> Frédéric Dard faisait dire au célèbre commissaire San Antonio : « le point commun entre les boeufs et les cons, c’est le sentiment de certitude qui se traduit par une parfaite rectitude de la trajectoire ». C’est aussi sans doute ce qui rassemble les Khmers rouges et certains fougueux mathématiciens.
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